lettre au Grand calife (3)

Grand calife, vous avez donc parlé à tous vos sujets. Je dois dire que vous ne m’avez pas convaincu. Vous n’étiez pas avec eux.  Vous ne vous adressiez pas à ceux qui occupent les ronds-points  Vous n’avez pas encore osé y aller, et c’est bien dommage. Puis-je vous suggérer une fois de plus de quitter nuitamment le Palais, d’oublier vos conseillers, le grand Vizir, et de « pousser » par vos propres moyens jusqu’à un de ces campements quelque part à une centaine de kilomètres de Paris. Je dis à cent kilomètres, parce que c’est la distance qu’il faut mettre entre Paris et un rond-point pour y rencontrer un autre Pays. Celui qui s’anime autour de grands feux, de barbecues, de cabanons de fortune.

Grand calife, les hommes et les femmes qui sont là dépassent tout ce que vous pouvez imaginer. A ces ronds-points, ils vivent! Ils retrouvent cette vie perdue que vous avez pu sentir à Prémery. Chaque rond-point est devenu ce que le village n’a plus : une communauté retrouvée. Vous n’avez pas parlé à ces milliers de communautés. Vous avez peur d’eux puisque vous ne les connaissez pas. Regardez la solennité de votre bureau, de l’or partout, l’or, l’argent, symboles si déplacés à cet instant. Et eux, sans or et sans argent, avec un bonheur retrouvé. Vous n’aviez pas la langue, vous étiez le géomètre des chiffres, des aides, des promesses, au lieu d’être le saltimbanque de la vie. Vous étiez le porte-parole des géomètres!

Peut-être quitteront-ils ces ronds-points, mais c’est sûr qu’ils reviendront. Dès qu’ils pourront, dès qu’il faudra, parce que vous n’aurez pas changé, pas compris, parce que vos géomètres rappelleront la raison, le rationnel, les chiffres impitoyables.  Et qu’ils veulent autre chose.

 

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