L’Appel du 18 juin: le pouvoir du Verbe

Cela se passe le 18 juin 2013, dans une mairie parisienne, quelques dizaines de personnes, dont deux classes du quartier, pour entendre 3 orateurs évoquer ce jour qui 73 ans plus tôt deviendra un moment de l’Histoire de France. Le premier, bref, rappelle les circonstances: à Londres, un général en rupture de banc avec la France légale, pénètre dans les studios de la BBC, la radio anglaise. Il est quasiment inconnu,. Il est accompagné d’un aide de camp, Geoffroy Chodron de Courcel, et d’une secrétaire Elisabeth de Miribel. Celle-ci a tapé le texte qui deviendra une légende vivante…mais que le technicien anglais oublie d’enregistrer. Le général de Gaulle reviendra le 22 juin à la BBC, mais lira un texte sensiblement différent. Nous n’avons que la version papier de celui du 18 juin.

Mais restons dans cet instant étrange, celui d’un rappel entre quelques uns, alors que dehors dans les rues parisiennes, la vie bruyante et active, ignore l’émotion de la mémoire. Le deuxième discours est celui du Président de l’Association des anciens combattants de l’arrondissement. Il avait 10 ans ce jour-là. Ses parents écoutent la radio, entendent l’Appel. Sa famille entre immédiatement en résistance. L’esprit de résistance comme une réaction instinctive, qu’on ne discute pas. Des mots inouïs, un geste rare. J’imagine ces hommes et femmes près de leur radio, les regards, les voix, les actions qui suivent, qui engagent. Une position courageuse, des français en France même qui disent NON !

Le troisième discours parle de l’Espoir. De ce qui tout à coup fait qu’en pleine débâcle du pays, quelqu’un surgit, incarne le sursaut, que le général de Gaulle ne fût pas le seul dans l’Histoire de France à se lever, à résister, à emporter le cher vieux pays comme il l’appelait. Qu’il ne faut pas désespérer. Jamais. Les mots là sont simples, directs. Rappellent la réconciliation franco-allemande, la rencontre De Gaulle-Adenauer, la poignée de main, l’Europe voulue par les deux hommes. Et aujourd’hui, ici même à Paris, la Chancelière allemande, Angéla Merkel, pour une Europe malmenée, en crise, et pourtant une Europe en marche, indispensable, que nous devons réussir. Instants capitaux. Mémoire qui frappe à notre porte. Dehors, la vie s’écoule, toujours ignorante de ce moment.

Le Verbe, l’Appel, je l’évoque un peu plus tard avec l’un de nous, d’ici, des Editions Montparnasse. En tête à tête, dans un café à coté du bureau, avenue du Général Leclerc, -un autre héros de la deuxième guerre, un des premiers compagnons de De Gaulle-, ou, étrange coïncidence des lieux, des dates, ou avant même que je ne parle du 18 juin, mon vis-à-vis, lui, me dit son admiration de sa lecture actuelle, des mots, du texte des Mémoires de guerre , de l’audace encore. De la position de ce Général, de ce que cela entraîne. Il me raconte là ou il en est, ce voyage à Moscou du général français qui vient rendre hommage à l’équipe d’aviateurs français du Normandie-Niémen. Une épopée, une aventure d’hommes dignes de l’Antiquité.  De ce que De Gaulle, seul, ose dire à Staline, se lever, quitter un dîner inutile où la vodka tient lieu de courtisanerie peureuse. Donner rendez-vous au dictateur quand il sera disponible pour parler sérieusement. N’importe quand, à n’importe quel moment de la nuit. Et Staline le rappellera en pleine nuit. Nous avons oublié le pourquoi de notre rapide déjeuner, celui de l’activité de l’entreprise. Nous sommes ailleurs.

Oui, la force de la volonté, le courage de la position.  Je dois dire que cette idée du NON, du moment ou l’on devine, ou l’on sent, ou l’on ose dire NON, est une question lancinante. Qu’aurais-je fait le 18 juin 1940? Que ferais-je demain si cette question se pose? Saurais-je deviner que l’instant est capital? Quelle sont les qualités qui me semblent nécessaire : courage, intuition? Comment reconnait-on cet instant? J’ai sous les yeux l’Appel du 18 juin. Le Verbe est là, incarné. Juste. Du bon coté encore. Mais ces mots auraient pu être dit autrement pour m’entraîner du mauvais coté. J’imagine, 18 ans, le 18 juin 40. Car la France n’est pas seule! elle n’est pas seule! elle n’est pas seule! répétera le Général de Gaulle le 18 juin. Oui, force des mots incarnés. Se souvenir.

 

 

 

 

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