Alexandre le Bienheureux sur la route de Stevenson

Les belles rencontres annoncées ont bien lieu dans cette descente vers le Midi. Après Conques, Saint-Geniès sur l’Olt : lisez Lot, pour la rivière qui traverse ce gros bourg si vivant. Il faut arriver par la grand route, prendre à gauche vers le centre ville, traverser un peu de faubourg, c’est à dire 200 mètres de rue sans commerces, atteindre les premières places animées, bordées de cafés et de terrasses. Ce samedi soir, il y a concours de boules, ou une dizaines de parties se jouent avec sérieux et bonne humeur. Un peu plus loin, un salon d’écrivains régionaux plie bagage. J’aperçois l’auteur d’une trilogie imposante, fiction romanesque située dans les collines environnantes. Je n’ose pas lui demander combien il en a vendu. Peut-être est-ce un best-seller local; ignoré des critiques germano-pratins (  c’est à dire de Saint-Germain des prés)! Un pont enjambe le Lot pour gagner une autre partie de la ville, ce soir et demain, c’est le comité des fêtes de la rive droite qui organise et invite. Une magnifique église romane, à l’intérieur baroque,  surplombe les deux rives. L’Angélus sonne, c’est un Ave Maria cristallin assez inattendu. Ou est le bourdon habituel, les volées sans fin? Un instant la sono trop forte et l’animateur de service se taisent pour laisser passer la beauté et la grâce.  Plus tard, le chef de la fanfare nous demande d’avance indulgence et sourires pour ceux qui vont accompagner le défilé aux lampions. Merci fanfare, c’était charmant, joyeux, familier, entraînant. Un instant aussi, ou à défaut de beauté, le plaisir se partageait. Saint-Geniès, un souvenir d’une étape simple et chaleureuse. Les touristes sont des aveyronnais de Paris de retour chez eux pour quelques semaines. Tout se passe en famille.

Alexandre le bienheureux, nous l’avons rencontré quelques jours plus tard sur le Causse Méjean. Là nous sommes bien dans les Cévennes, mais pas encore dans le Midi. Un plateau de granit à 1 200 mètres d’altitude, des landes, des pins noirs, des moutons, des bergers, et depuis peu… des loups. Importés par les hommes au nom de la bio-diversité dans le Parc national du Mercantour et dans celui des Cévennes, ici même. Le loup fait parler de lui jusque dans la presse nationale. Il mange des moutons. Les bergers râlent. Couché dans son champ, surveillant sa trentaine de moutons, Christian à la barbe blanche longue de 20 centimètres et coupée en carré, se moque: il faut comprendre les loups, ils trouvent que c’est plus facile d’attraper des brebis que des biches, elles courent bien moins vite. Un peu plus, un autre ironique du Causse: les anti-loups mettent des pancartes Non au Loup, mais ils savent pas lire les loups....Alexandre-Christian, cinquante ans sur le Causse à garder ses moutons par tous les temps, est un vrai flegmatique. Il regarde, sourit, se plaint un peu de son genou qui l’oblige à conserver la station couchée dans le pré. Il faut aller le voir près de Nivolliers, là-haut, dans ce paysage aride et attachant.

L’écologiste dans l’âme se demande si on n’a pas perdu la tête lorsqu’il apprend que les loups se comptent maintenant par centaines en France ( enfin 250), que le taux de reproduction est de 20% par an, que chaque loup coûte à la collectivité 30 000 euros par an. Est-ce bien raisonnable alors qu’on hurle contre les  méchants loups à tête d’homme! Ceux-là même appelés « traiders » , « capitalistes » etc…La Fontaine aurait pu en faire une fable.

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