dérision et réalité

Canal + a fêté ses trente ans, il y a quelques semaines. Comme dans toutes les commémorations ( déjà trente ans! ), il y a de la nostalgie et de la satisfaction: j’ai fait tout cela, je vis encore, j’ai changé tant de choses! Pour Canal et ses laudateurs, il s’agirait presque, à les entendre, d’ avoir contribué à changer notre vie. Attendez, la réussite de Canal est exceptionnelle. Chaîne vacillante à ses débuts, que le film X du samedi soir va sauver dans un premier temps, en doublant le nombre d’abonnés en quelques semaines ( l’argent n’a pas d’odeur, et nos turpitudes non plus). De ce qui n’est pas encore un clic, mais simplement un geste sur la télécommande, le X entrait incolore, donc inodore et en toute discrétion dans nos foyers. Ou, les enfants sauront d’abord découvrir la pornographie sur Canal, avant internet…

Donc Canal a d’abord changé notre rapport au sombre, au sexe, en nous permettant de ranger le X  dans la catégorie films pour adultes, dénomination hypocrite en cours partout, au Centre National du Cinéma, aux réunions de la culture etc..

Mais il me semble que la principale révolution de Canal est bien celle de la dérision. Dérision si drôle de l’Antoine de Caunes des débuts avec ses compagnons. Se souvenir des sketchs à hurler de rire des compères, Antoine de Caunes et José Garcia, sous l’œil paternel et légèrement surpris de Philippe Gildas, en travestis, mollets blancs et poilus, perruque choucroute sur la tête, tournant tels des sioux autour du fauteuil de l’homme politique, ou de la star de la musique. Oui, ils nous ont fait rire de tout et de tous, avant que le monde ne se mette à grincer. Les grincements du monde ont accompagné ceux de Canal +. Plus nous stressions devant la crise ambiante, plus le disque Canal déraillait. La dérision devenue synonyme de pouvoir emportait tout : politique courbé en deux, acteur ou public( faux public) applaudissant à tout rompre devant l’humilié.

Et ainsi chaque soir notre monde se transformait. Il était devenu bête, ridicule, menteur, corrompu et grotesque. J’en veux à Canal de n’avoir pas su résister à faire de l’audience en flattant nos bas instincts, ceux qui nous font réjouir devant l’abaissé. D’avoir aussi permis à ceux qui règnent sur les jeux du cirque de ne plus avoir de limites. De quel droit les animateurs et autres donneurs de leçons, décrètent-ils qui est bien, bon et beau et qui est mauvais, moche et mal ?

Le monde politique a beaucoup perdu en se prêtant à ces jeux. Canal aussi, nous encore plus. La fête est finie, on le sent bien, et nous nous sommes un peu groggy devant notre spectacle, celui qui nous est offert de nous-même. Je propose que l’on supprime ce triste miroir du public sur le plateau qui bêtement applaudit sans comprendre.

Et comme j’aime les films, que Canal + continue de montrer et défendre les films,  le rugby, et autres sports de belle qualité!

 

 

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