Le sens de la fête

Le film d’Eric Toledano et Olivier Nakache est un des favoris des Césars de ce soir. Jean-Pierre Bacri  interprète avec talent un  traiteur, Max, organisateur de mariage, survolté et surmené.  » On s’adapte » est sa phrase favorite face aux mille et un problèmes rencontrés. La fête quoiqu’il arrive doit être réussie. Ici forcément, cinéma oblige, la fête ne cesse de frôler le drame, sans y tomber. Le principe même de la comédie réussie; elle aussi comme la fête.

A quelques pas des Editions Montparnasse, Reza est un autre « Max ». Lui aussi survolté, surmené. Je ne l’entends pas dire « on s’adapte », mais je le vois le faire à chaque fois que j’y vais. Son restaurant s’ouvre au client comme s’il était attendu depuis toujours, comme si tout problème – pas de table libre par exemple- avait une solution. Il y aura une place pour vous. Reza n’est pas méditerranéen, il est iranien, il a fuit l’Iran de Khomeiny, jeune homme, il y a plus de trente ans, il s’est « adapté », il aime ses clients, il aime la fête, met de la musique  – pas NRJ en boucle- Johnny en ce moment est un de ces tubes.

Il organise le soir des concerts, avec des groupes de clients abonnés du quartier, des musiciens qu’il repère et qui deviennent à leur tour ses amis. Les yeux de Reza brillent lorsqu’il me parle de la soirée d’hier ou de celle de demain. Le Sens de la fête est un mode de pensée et de vie. Un talent aussi. Je ne connais pas les soirées de Reza, je suis un client du déjeuner, qui quitte le quartier en fin de journée, avec le regret parfois de ne pas être de ces fêtes ou l’amitié de Reza règne, c’est sûr!

Il y a quelques jours, Reza accueillait un studio de radio improvisé. En direct à la radio, autour de ce studio 7 femmes, dont quatre comédiennes qui interprétaient des morceaux d’une pièce qu’elles jouent au théâtre en ce moment. Les 3 autres étaient les animatrices d’une association de lutte contre les violences faites aux femmes.  C’était très sérieux, et je vous assure, les 4 hommes présent se faisaient très petits. Moi, le premier, les arguments, le ton n’étaient pas à la franche rigolade. Je ne vais pas les redire ici, nous les connaissons tous aujourd’hui, le nombre effarant de femmes battues, violées… l’attention était forte. Reza voyait que là les hommes n’étaient pas à la fête, les femmes non plus d’ailleurs. Comment sortir du drame et en garder l’essentiel, c’est le débat proposé en fin de parcours pas mes animatrices qui l’a permis. Le public des clients fut invité à participer, les hommes timidement remercièrent les femmes, exprimèrent leur colère contre eux-mêmes, saluèrent les voix qui s’indignaient, des solutions furent évoquées.

Ce qui me frappa alors, ce fut, tout à coup, l’amitié des femmes pour les hommes présents, leur justesse de ton, et même le souhait qu’il n’y ait pas de « guerre » des sexes.  Elles étaient jeunes, disaient des mots de réconciliation, nous n’étions plus simplement des « agresseurs », mais aussi des êtres humains, comme elles. La conclusion, ce jour là, vient d’une des jeunes femmes du public : il ne faut pas confondre homme et agresseur, j’aime les hommes, tous les hommes ne sont pas des agresseurs,  dit-elle en souriant! Reza y était sûrement pour quelque chose.

 

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