« Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité »

Sur le plateau d’Apostrophes, ce 9 octobre 1981, l’écrivain Michel Tournier fait appel à Jean Cocteau, dont il cite souvent cette phrase, en réponse à cette question d’élèves lors de rencontres dans les écoles ou il présente son métier : Monsieur, qu’est-ce qu’il y a de vrai dans cette histoire?

Le mensonge et la vérité dans la littérature, pour ce 249° numéro d’Apostrophes. Voilà l’énigme Romain Gary-EmileAjar, et en invité central, le petit cousin de Romain Gary, Paul Pavlowitch. Voilà le fantôme du premier, suicidé le 2 décembre 1980, convoqué par Bernard Pivot au nom des innombrables lecteurs qui entourent la plus célèbre émission littéraire de la télévision.Le regard noir charbonneux, le profil coupant, la parole à la recherche du mot le plus juste, voilà le faussaire, Paul Pavlowitch, qui pendant 7 ans s’est fait passer pour Romain Gary, a reçu un prix Goncourt pour La Vie devant soi, a été acclamée, alors qu’il était le complice de la plus belle supercherie de l’histoire littéraire.

Je ne vous dévoilerai pas les rebondissements de la pièce dramatique que nous propose ce DVD3 du coffret consacré à 12 émissions d’Apostrophes. Elle tourne autour des questions du grand enquêteur Pivot, du principal témoin, aux allures d’accusé, Pavlowitch, des analyses du psychanalyste Mandel, lui-même auteur d’un livre sur le processus du double, du détenteur des souvenirs intimes de Gary, François Bondy, enfin de celles de Michel Tournier, qui avec les autres membres de cette très vénérable académie, décernèrent, sans le savoir,  au même auteur, le deuxième prix Goncourt de son histoire.

Voilà au 2/3 de l’émission,un bref extrait sur l’homme absent : Romain Gary, dans un Apostrophes de 1975, pour son dernier roman, Au delà de cette limite votre ticket n’est plus valable, pièce à conviction pour le suicide qui interviendra 5 ans plus tard. Lourd visage oriental au teint basané, regard immense sous des paupières tombantes, élégance de séducteur mondain pour ce fils d’immigré juif russe, Compagnon de la Libération, diplomate, prix Goncourt en 1956, pour Les Racines du Ciel. Un auteur abondant, de la Promesse de l’Aube à Lady L., des dizaines de romans qui ne suffirent pas à Romain Gary. Il lui fallait plus.

« Un bon écrivain qui devient sous le nom d’Emile Ajar un grand écrivain, nous prévient Gérard Mandel. Défilent quelques titres d’Emile Ajar: Gros-Calin, Pseudo. Je terminerai par le commencement, cette phrase de Bernard Pivot présentant l’émission: un romancier est un homme qui mène plusieurs vies, pour qui chaque roman est une renaissance ou une mort, et pour qui la création littéraire lorsqu’elle est poussée dans ses extrémités peut mener à des excentricités burlesques ou dramatiques. Apostrophes, 30 ans plus tard, nous donne toujours et encore envie de nous précipiter dans les librairies pour lire, lire et encore lire….

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