Un somptueux documentariste : Jean-Claude Bringuier

On va parler ici d’une certaine télévision, d’une certaine forme de télévision que quelques hommes, qui la faisaient alors, nous apportaient : celle du temps pris et donné, du temps d’écoute, d’un regard porté sur les gens et les choses, d’une certaine forme de télévision donc, celle d’un autre temps.

J’ai rencontré ce temps là,  il y a quinze ans, grâce à  l’homme qui tout de suite impose sa présence. Voilà Jean-Claude Bringuier, somptueux documentariste, homme de télévision, homme d’humanité, homme du regard, de l’écoute, de la parole. Il emplit la pièce, décuple l’envie. Je suis émerveillé par les « gens » qu’il filme, « Des paysans » des Pyrénées, des Alpes, du Languedoc, par le tact du réalisateur et encore cette précision de la langue (1). L’ambiance inoubliable d’un temps en train de disparaître, et qu’il a voulu filmer pour qu’on puisse un jour s’en souvenir. Ce sera aussi le début de nombreuses rencontres, déjeuners en tête à tête ou il évoquait Claude Lévi-Strauss, si familier pour lui (2). Un autre jour, pour cet amoureux des arts, nous évoquerons la Joconde à qui il consacre un film (3). Ensemble nous formerons le projet d’une rétrospective de ses œuvres au cinéma, que les années qui passent, rendra encore plus incongru- il gardera le désir de toujours porter de nouveaux projets de documentaires à la télévision. Et puis l’âge, la faiblesse de l’âge qui l’effrayait, contre laquelle il pestait, devint présente, trop présente. Un jour il n’était pas au rendez-vous. Il ne fût plus jamais au rendez vous.

Jean-Claude Bringuier a disparu sans tambours, ni trompettes. Oublié. Par notre époque trop rapide, trop bling-bling pour pouvoir voir et aimer le temps qui passe. Il était le poète de l’indéfinissable, des petits matins dans la brume, des voix résonnantes du soir, il avait le goût de l’infini. Adieu à lui, je faisais partie de ceux qui l’aimaient. (4)

(1) Nous éditerons « Des Paysans » en 1995 dans un coffret de 3 VHS puis les rééditerons en DVD 2006 en lui adjoignant « Le Dernier Battage » filmés respectivement en 1978 et 1973.
(2) Nous éditerons en 2008 « Une approche de Lévi-Strauss » dans le cadre d’un coffret hommage : «  Le Siècle de Lévi-Strauss »
(3) Également édité un peu plus tard.
(4) La mort d’un sourcier de Jean-Claude Raspiengeas. La Croix du 24 septembre 2010

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.