De La mort est dans le pré à La Clef des terroirs, deux mondes parallèles

Je sortais d’un visionnage du film d’Eric Guéret, La mort est dans le pré, déprimé, en colère aussi. Je venais de voir et d’entendre des agriculteurs atteints de cancer à force d’avoir manipulé, répandu, arrosé de pesticides, de produits chimiques de toutes sortes, les vignes, les prés, les champs de leurs exploitations agricoles. La veuve de l’un d’eux continuait l’élevage, nous montrait une vache à moitié morte, empoisonnée. Un autre, appuyé sur deux béquilles, nous clamait sa souffrance et son désarroi. Il n’arrivait pas à faire reconnaitre sa maladie comme professionnelle. Tous dénonçaient les Monsanto et autres grandes firmes agro-alimentaires qui leurs avaient vendus ces produits hautement toxiques.

J’étais furieux avec eux, je soutenais les actions en justice qu’ils menaient. Je restais surpris aussi que ces agriculteurs continuent pour la plupart à déverser sur leurs cultures les mêmes produits qui les avaient empoisonnés. Dans mon esprit se faisait jour encore l’idée que si la mort était dans le pré, la mort aussi était dans nos assiettes. Ces produits chimiques qui les tuaient à petit feu n’arrivaient-ils pas sur nos tables, dans ce pain, ces fruits, ce vin. N’empoisonnaient-ils pas aussi nos corps. Je gardais dans la mémoire cet agriculteur diminué, incapable de travailler, qui dans la cour de son exploitation contemplait le salarié en train de mélanger dans la citerne des produits verdâtres, une horrible mixture, dont je sentais presque les effluves nauséabonds, et qu’il s’apprêtait à aller répandre sur ses cultures. Je ne comprenais plus. Pourquoi ces agriculteurs n’arrêtaient-ils pas ce type de fonctionnement? Ne se rendaient-ils pas compte encore qu’eux aussi, par leurs pratiques, relevaient du même registre que les industries qu’ils dénonçaient.

Etaient-ils obligés de continuer à utiliser ces produits chimiques? N’y avait-il pas une autre manière de produire?

Retenez ces noms : les frères Bret, Olivier Jullien, Aubert de Villaine, Thierry Germain, Pierre Masson. Découvrez leur intelligence, leur nature, leur force. Contemplez-les dans leurs vignes, dans le Maconnais, le Languedoc, les vallons du Saumurois,  en Bourgogne, là au milieu des raisins du plus célèbre cru du monde, la Romanée -Conti, passé en biodynamie il y a 25 ans  par son visionnaire propriétaire.. C’est dans un autre film, joyeux, beau, redonnant vie à la terre, à ses hommes, La Clef des Terroirs, que j’ai trouvé la réponse à ma question précédente: Tout est dans le niveau de conscience, affirmait le génial inventeur de la biodynamie, Rudolf Steiner.

Je n’en crois pas mes yeux : 300 grammes de bouse de vache, murie pendant l’hiver dans une corne de vache, mélangée à 110 litres d’eau sont pulvérisés sur 3 hectares de vignes, fertilisant le terre naturellement et efficacement, plus loin une poudre de silice mesurée dans le fond de 3 petits verres mélangée dans une grande cuve d’eau sera pulvérisée sur 9 hectares de vignes apportant de quoi fortifier le bois des ceps…

Des jeunes vignerons, surdoués, utilisant des remèdes de « grands mères », parlent de la terre avec respect, remontent aux pratiques ancestrales, celles des grecs et des romains, utilisant les cycles de la lune, comprenant le lien entre le ciel et la terre. Le film de Guillaume Bodin est un régal. Il nous réconcilie avec nous-mêmes.

Je repensais aux films de Jean-Claude Bringuier, tournés en 1978, Des Paysans, dans lesquels il racontait le fin du monde paysan Il nous montrait ce qu’ils avaient été, ces paysans, durs, travailleurs, attachés à la terre, la connaissant, la servant. Quelques portraits magnifiques d’une espèce qu’il annonçait disparue, emportée par le progrès, le productivisme, la nécessité du monde moderne, des grandes exploitations, peu de bras, des tracteurs, beaucoup de chimie, la quantité, la rentabilité.

Je me disais que Bringuier, grand documentariste, disparu en 2010, verrait les paysans de La Clef des Terroirs, comme leurs fils énergiques et visionnaires. Et ceux de La mort est dans le pré, cette génération, celle ou les paysans étaient devenus les exploitants agricoles, finalement être celle de l’ignorance et de la stupidité.

 

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