« Entrer dans la troisième époque du Web »

Alors que le gouvernement de François Hollande vient de décider d’investir massivement dans le numérique pour la France de demain, le philosophe Bernard Stiegler nous dit dans le Journal du Dimanche du 12 mai pourquoi c’est la priorité absolue:  » le numérique provoque une métamorphose de la société bien plus importante que ne le fit en son temps l’imprimé. D’ici à dix ou quinze ans les emplois manufacturiers seront robotisés (…) il n’y aura plus de caissières, plus de manutentionnaires, ni de conducteurs de métro (…). » Pour lui l’activité économique sera conditionnée par le numérique : «  c’est pour cela qu’il faut investir massivement, faute de quoi l’Europe sera vassalisée. Mais cela suppose une politique globale de développement qui doit aller bien au-delà des investissements dans le très haut débit (…) » Il nous prévient qu’il ne s’agit pas d’imiter Google, Amazon, Facebook ou encore Apple mais  » d’entrer dans la troisième époque du Web (…) celle des technologies de l’annotation. Des communautés d’annotateurs apparaissent, qui réintroduisent des éléments d’interprétation humaine débattus et partagés pour affiner les résultats fournis par les algorithmes et les automatismes. »

Les solutions pour Bernard Stiegler sont d’ordre purement contributives, pairs à pairs, gratuites, liées à l’organisation et au partage du temps, de l’intelligence collective. Il élimine en quelque sorte le modèle de production basé sur le financement par le capital, l’amortissement par la vente du produit, la rémunération du travail par ce modèle. Il dessine un monde égalitaire et partageur. Est-ce une utopie? La destruction de valeurs, d’emplois du monde actuel, globalisé et automatisé, ferait place à un monde renouvelé, une sorte d’avenir radieux grâce au numérique!

Au delà de ces questions fondamentales pour l’être humain, – que vont faire les caissières d’aujourd’hui, elles-mêmes consommatrices, etc…? Et Stiegler ne nous donne pas de réponse convaincante-  nous partageons son analyse sur la bataille pour la place de l’Europe dans le monde numérique. Face à Google, Amazon, Apple et bien d’autres qui surgissent non seulement des Etats-Unis mais de Chine, d’Inde, nous avons quelques cartes à jouer pour maintenir notre existence, celle des savoirs, de l’intelligence de conception dans le monde numérique. L’exception culturelle française menacée à la fois par les coups de boutoir des technologies sans frontières et les pressions des Etats prédateurs doit être défendue, à Bruxelles certes, comme le font en ce moment politiques français et artistes, mais aussi par le soutien à l’innovation, en France et en Europe.

Montparnasse joue son jeu dans ce domaine, par goût de l’innovation, par goût des idées, par goût de la place des savoirs dans notre Histoire. Nous avons une idée de la culture, de la place immémoriale de la France – des siècles d’imaginaire, de rêve, de vision humaine. Cette organisation de la France, sans cesse renouvelée, repensée, s’inscrit maintenant dans l’Europe, avec un rôle essentiel.  Les Manufactures, dont je vous parlais dans mon précédent blog, explorent dans Internet, avec vous, à travers ses thématiques, cet avenir, reprenant la fameuse phrase de Tocqueville reprise un siècle plus tard par Hannah Arendt:  » Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. »  Dans la Condition de l’homme moderne, celle-ci nous prévient: « ce que nous avons devant nous c’est la société de travailleurs sans travail, privés de la seule activité qui leur reste ». Une société de loisirs de masse ? Sans pensée, sans culture!

Le JDD titre son article de trois pages consacré à ce nouveau plan pour la France : Hollande, dessine-nous l’avenir de la France. Soyons sérieux, depuis quand tutoie-t-on le Président de la république!

 

 

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