un monde si petit

Certains d’entre vous- ceux qui ont lu Dalva, le magnifique livre de Jim Harrison– s’en souviennent peut-être. A un moment, l’héroïne de retour chez elle, dans le Nebraska, reçoit une lettre de Michael, un intellectuel, très à coté de la vie. Pourtant, celui-ci vit une transformation radicale par la lecture de l’extermination des sioux, et plus largement des indiens. Michael prend conscience du monde dans lequel il est, et notamment du déversement des nouvelles sur lui, nous sommes au début 80 : il y avait de fréquents flashes d’information sur toutes les horreurs de la planète – pour la première fois dans l’histoire du monde nous avons simultanément accès à toutes les mauvaises nouvelles.

Ted Turner venait de lancer CNN, une chaine d’informations 24 heures sur 24, Internet n’existait pas encore et l’écrivain américain exprimait son désarroi devant un progrès dont il énumérait les dégâts. Ce matin, Libération consacre deux pages au philosophe Bernard Stiegler à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage Dans la disruption, comment ne pas devenir fou Les Liens qui libèrent. L’accélération de l’innovation court-circuite tout ce qui contribue à l’élaboration de la civilisation, nous dit-il, tout simplement! Et d’une autre manière que Harrison, trente ans plus tôt, il parle des conséquences, mélancolie collective, désespérance etc…nihilisme, destruction des valeurs, une économie de la donnée exclusivement prédatrice, qui repose sur l’élimination des singularités par le calcul.

Voilà donc la mondialisation au pied du mur. A quoi sert-elle? à nourrir le monde, ou à nourrir le Veau d’or. Le monde globalisé, Tour de Babel, les mythes annoncés se réalisant? Tout n’est pas perdu, si les singularités se révoltent, il suffit d’entendre et de voir le discours d‘Emmanuel Faber, patron de Danone, aux étudiants d’HEC, école de commerce dont il est lui-même issu: La main invisible n’est pas la solution, dit-il, parce qu’elle accroit l’injustice sociale. La main invisible, c’est à dire le marché meilleur régulateur du monde, selon son inventeur, l’américain Adam Smith, le dogme absolu du capitalisme, remis en cause par un connaisseur. Une révolution!

 

 

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