Les larmes de Johnny

Cette semaine, l’événement est chez Carnets nord avec la sortie du livre « Les larmes de Johnny » de Mathieu Alterman et Patrick Alban. Les deux auteurs qui ont connu le chanteur, l’un, Patrick Alban, depuis plus de 40 ans, l’autre, Mathieu Alterman, l’a suivi ces dix dernières années, et commente sur les chaînes de télévision et les radios l’actualité sombre de la succession Hallyday.

Raconter la vie de Johnny Hallyday, c’est remonter à son enfance, à son désir de vivre, à son insatisfaction profonde, c’est aborder la complexité du chanteur mort il n’y a pas tout à fait un an. Il y a beaucoup d’amitiés dans ce récit. De la tendresse et aussi un point de vue qui ne laisse pas passer les faiblesses de l’homme. Trop amoureux, incapable d’aimer vraiment ? Johnny Hallyday, le séducteur, comme pour conjurer le sort de ne pas l’avoir été par ses parents. La thèse est simple, la vie de Johnny ne l’est pas.

En décembre dernier, j’avais écrit un blog le lendemain des obsèques de La Madeleine.

Surpris comme beaucoup par l’ampleur de l’hommage et par la peine de la foule qui se pressait sur les Champs-Elysées et rue Royale…mais plus encore par ce qui semblait alors dépasser l’hommage et la peine : au Jour des larmes de Johnny s’ajoute maintenant celles d’une vie.

Un silence étonnant

Cela s’est passé ce samedi 9 décembre alors qu’un corbillard abordait l’entrée de la rue Royale, il devait être près de 13 heures.  Je changeais de chaîne parce que sur celle sur laquelle je regardais la cérémonie, les journalistes  ne cessaient de dire  « quel silence, c’est incroyable », et évidement on ne pouvait l’entendre, ce silence.  Oui, près d’un million de personnes ne chantaient plus, ne dansaient plus. Un respect « religieux » s’était emparé de la foule, un respect qui durera tout au long des heures qui suivront. Lenteur des gestes, des rituels. Même les 4 guitaristes à l’intérieur de l’église de La Madeleine auront une forme ritualisée des morceaux qu’ils déclineront au fur et à mesure que Carole Bouquet, au moment de la Prière universelle, terminera chaque prière par Prions et qu’ils s’empareront de la résonance qui fera envoler la prière.

Je n’étais pas un fan de Johnny Hallyday. Je préférais le blues, Jacques Brel et bien d’autres, et ce matin j’étais saisi par la ferveur de l’air, par le silence entre les mots, par le silence dans les mots. En accueillant le corps, le Père Benoit de Sinety faisait émerger une nouvelle voix au chanteur, celle de l’esprit, en accueillant l’ami, les écrivains Phillipe Labro et Daniel Rondeau imposaient une nouvelle image, celle de l’esprit. Tous ceux qui suivront feront entendre une autre voix : la France des profondeurs surgissait à chaque instant, s’imposait aux célébrités qui n’en étaient plus, tous anonymes devant le mort qui ne l’était plus. Ceux de dehors étaient avec ceux de dedans, l’immense photo de Johnny surplombait le ciel, une seule croix au cou venait rejoindre celle de Laetitia Hallyday, c’était la même, la sienne, la leur.

Un autre mot, une autre image résonnaient en moi, celui d’une beauté improbable, une beauté d’un moment ou nous étions tous touchés par la grâce, la grâce de la vie de l’homme fils de personne,  plus jamais seul, parce qu’il croyait dans la vie, même aux pires instants de cette vie, parce qu’il parlait de la vie au-delà de la mort. Cette beauté que trop souvent nous refusons, qui trop souvent nous est refusée, et qui ce matin était là, simplement là. Merci Johnny, pour cela.

 

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