nominés aux Césars…

Parmi les films les plus nominés, deux d’entre eux me semblent avoir une résonance commune : Des hommes et des dieux et Mammuth révèlent l’humanité contenue en chacun. Sombre et magnifique, Depardieu sublime la laideur; avec son corps, les gestes, son regard sur lui-même et sur les autres, il fait peu à peu pivoter notre propre regard. L’inattendu est au bout d’une quête apparemment banale: compléter quelques points de retraite! Par son inventivité, sa simplicité aussi- cette concentration sur les personnages!- la réalisation donne toute sa force à la vie qui se joue et réussit.

On a tellement parlé de Des Hommes et des dieux qu’il peut sembler absurde qu’à mon tour je veuille donner mon impression. Chacun lit toujours une partition personnelle, qu’on aime ou non celle qu’on entend. J’ai vu le film très tard, l’envie un peu émoussée par tous ces bruits. J’avais l’impression de ne plus avoir grand chose à découvrir. On connait l’histoire- j’avais fait un blog ici sur le document Le Testament de Thibirine qui a largement inspiré le film de Xavier Beauvois- et puis ma vision s’est croisée avec celle de Mammuth.

Le sentiment d’une « révélation » commune, hors de toute croyance, celle que tout se joue toujours en l’Homme. Le moment de « conversion » de la peur du moine- joué ici par Olivier Rabourdin-  pour une vision plus forte, celle de sa communauté, de sa raison d’exister est étonnant et magnifique. 

Le film nous livre aussi un formidable message d’espoir- d’espérance pour les moines-; allons tout n’est pas perdu tant qu’on peut rêver, dire non à la laideur, ici en Algérie à la violence et à la peur.

Il faut noter encore le succès public de ces deux films: rien ne le laissait prévoir. Amusant et réconfortant!

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Traduire, aux 3 Luxembourg

Réjouissez-vous, mercredi soir  aux 3 Luxembourg dans le quartier Saint-Michel à Paris,  salle de cinéma bien connue des passionnés, première projection de Traduire, film qui clôt la trilogie de Nurith Aviv consacrée à la langue, aux rapports de l’hébreu et des autres langues, allemand, français, yiddish, anglais, arabe.

Salle pleine, ouverture d’une deuxième salle. Moments lumineux, entretiens avec des traducteurs de tous les horizons, Boston, Jérusalem, Paris, Brest, Tel aviv… les pensées s’entremêlent pour notre plus grand bonheur. Comment les hommes peuvent-ils  se battre alors qu’on voit tant d’humanité aller d’un continent à l’autre, d’une culture à l’autre?

Pourquoi ne sommes nous pas touchés par cette humanité? Instants de grâce, d’intelligence qu’Hélène Cixous va renforcer dans le bel exposé d’après film.  » Ils appartiennent à une espèce particulière. » Cette phrase me touche. Les traducteurs sont des hommes et des femmes comme les autres. Pourquoi appartiennent-ils à une espèce particulière? la réponse est dans le film.

Ce moment de « réjouissance » devrait être à la portée de tous: la langue, pour le meilleur et pour le pire, ici avait trouvé son camp: Traduire nous reliait les uns les autres.

Autour de ce blog viendront s’ajouter les projections-débats avec les enregistrements filmés des intervenants.

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Laissez les petits mouchoirs!

Qu’est ce au juste, l’amitié! Est-ce la question posée par le film de Guillaume Canet? Si c’est le cas, la réponse donnée par le film est telle qu’elle n’a pu échapper aux 5 millions de spectateurs. Résumons vite: Ludo ( Dujardin) fêtard invétéré, victime d’un accident de scooter qui le laisse dans le coma, est abandonné par ses « amis ». Scène atterante à son chevet ou les « amis » décident que « quand même on va pas laisser tomber… les vacances au Cap Ferret »; vacances qui commencent le lendemain.

C’est tellement plus facile de penser que Ludo, dans le coma, peut attendre leur retour.

Je vous passe la suite, les amis qui ne s’occupent que d’eux mêmes, de leurs amours, de leurs querelles, des amusements: ronds dans l’eau sur le hors bord, pétards et beuveries du soir. La maison est tellement belle! Ludo meurt dans l’oubli généralisé. Les larmes de la fin- débordement lacrymal qui donne son titre au film- ne laissent aucune échappatoire.

Les « amis » ne se rendent pas compte, tout en sanglotant à qui mieux mieux, qu’ils ont abandonné Ludo. Pour rien. Du vent. De l’artificiel. Des belles images creuses et vides. Est-ce cette peinture cruelle qui a atttiré tant de spectateurs? Ou simplement ses belles images qui les ont fait rêver?

La messe est dite: laissons les petits mouchoirs au fond des poches.

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la bibliothèque de l’honnête homme.

Les entretiens d’intellectuels ont (presque) tous le même décor.  Installé confortablement dans un fauteuil ou dans un siège plus fonctionnel de bureau, l’intellectuel est environné de livres. Des étagères, une bibliothèque, des rangées de livres, souvent bien rangés, des couleurs et des tailles différentes.

Dans la ville, constituée au long des siècles, les urbanistes ont l’expression, peu poètique à vrai dire, de  « dents creuses », pour parler des décrochements des immeubles ou des maisons d’une rue. Ils donnent à ces « dents creuses » une signification très vivante, celle d’une architecture des hommes. La bibliothèque reflète aussi cette maturation lente. Pas un décor pour rien, plutôt le sentiment d’une pensée construite au fil des lectures, donc du temps.

Il semble qu’il y ait ici comme un fil tendu entre la mémoire, le langage et l’objet.

Celui-ci comme référence de l’intellectuel. L’objet, le livre qui enrobe et présente le texte, aurait une fonction bien au delà de la seule lecture. J’aime l’imaginer sans fétichisme : conserver ou jeter, prêter ou donner, oublier ou encore comme ici, dans la bibliothèque, bien présent. Une géographie précise de la vie de l’interviewé. Pas celle de l’apparence – bien que cela existe aussi- mais d’une carte du sentiment, des désirs, des idées.

Que se passe-t-il dans la dématérialisation, dans ce fichier qui conservera de manière indifférencié des milliers de textes, romans, essais, documents etc?.. Que deviendra ce fil invisible avec le visible? comment construirons nous cette mémoire?

Sociologues et philosophes se penchent déjà sur la question. Elle est passionnante et indispensable.

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Les 4 saisons

Je ne vous parlerai pas aujourd’hui des 4 Saisons d’Espigoules, comédie loufoque que bien des amis de Montparnasse ont vu au cinéma ou pu acheter en DVD. Mais plus simplement des 4 saisons de notre pays tempéré.

J’aime les saisons, ce froid qui pince si fort dehors au moment ou j’écris ces lignes – nous avons, pour la plupart,  la chance de pouvoir nous réconforter dans des maisons chaudes- j’aime imaginer la terre durcie, le gel qui nettoie et aère le sous-sol. Je m’émerveille à l’idée des légumes de saison apportés par l’agriculteur de l’AMAP (1).

J’aime imaginer le printemps qui succédera à cet hiver coriace. Quand je pense aux saisons, je ne sais par laquelle commencer. En principe, il y a d’abord le printemps, saison de la jeunesse, du renouveau, et ainsi de suite, été, automne, hiver. Mais vous voyez, il n’y a pas de fin dans la nature, simplement du recommencement, de l’éternel recommencement.

Peut-être a-t-on le droit d’être optimiste, dans ces temps trop moroses. Optimiste dans ces premiers jours de janvier. Les jours rallongent, chaque saison a ses raisons. Aimons-les.

Bonne année!

(1) Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne, mouvement qui engage des citoyens-consommateurs à soutenir des paysans- producteurs- en général bio- dans le cadre d’un achat annuel de leur production maraichère et fruitière. Légumes d’hiver: épinards, carottes, pommes de terre, poireaux, courges, potimaron, rutabaga, betterave, cèleri, chicon. Fruits: pommes de garde sortis de la resserre, oranges et mandarines provenant des pays ensoleillés.

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belle année!

Regards en arrière, une année écoulée, des éditions qui nous ont passionnés, des documentaires politiques, des réussites cinématographiques, des découvertes joyeuses.

Près de 80 éditions et rééditions d’oeuvres françaises et étrangères, un panorama d’une production récente comme la mise en lumière de grands moments du siècle passé. L’actualité n’est pas heureuse, du moins celle dont on parle, celle dont s’empare les médias et les créateurs, auteurs de films à thème. C’est la logique même de l’art que de réfléchir à son époque.

Nos éditions la reflète. Il y a encore le talent, celui de ceux qui nous font rire et pleurer, qui mélangent le tragique et le comique, qui trouvent le bonheur dans l’humanité. Les Grands reporters du Prix Albert Londres cohabitent avec le théâtre de Molière. Comment ne pas être ébloui par la grâce et l’énergie des danseurs de l’Opéra de Paris, filmés admirablement par Frédéric Wiseman, exemple d’une beauté lumineuse. Ébloui encore par l’humanité des moines de Thibirine, une beauté tragique. Deux exemples de ce que nous pouvons être et devenir.

Et 2011?  Bien sûr, des éditions que nous vous présenterons mois après mois. Des éditions encore et toujours passionnantes,  riches de débats, de regards, d’approfondissement ou simplement de plaisir et de joies.

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Feydeau pour rire,

 et l’air de rien pour stimuler notre esprit. Rien de mieux que Feydeau en cette fin d’année pour aborder celle qui vient plein de bonnes résolutions: par exemple donner de la légèreté aux petites contradictions de l’existence, voir avec le sourire les scènes de la vie quotidienne, fêter la moindre occasion qui se présente…

Dans le Journal du Dimanche  du 12 décembre, qui s’emballe lui aussi pour le spectacle du Fil à la patte,  monté à la Comédie Française par Jérome Deschamps : un bonheur absolu nous dit Annie Chénieux, auteur de l’article, et de citer la rencontre en 1961 de Jérome Deschamps, enfant, avec la mise en scène de Jacques Charon, une mise en scène et des interprétations « sublimes » , celles de Hirsch, Piat, Boudet. 

Ceux là même que vous pouvez retrouver dans le coffret de six DVD consacré à Feydeau que nous éditons en partenariat avec la Comédie-Française. Attention derrière la légèreté, il y a la férocité, celle de l’argent, des mensonges, des envies. Et Annie Chénieux de citer Feydeau lui même : « Tous les maris sont des parjures et des infidèles, c’est inhérent à la fonction. » On appelait cela la Belle époque!

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Cochon qui s’en dédit!

Dans Solutions locales pour un désordre global, Coline Serreau avait mis quelques plans qui avaient provoqué un haut le coeur chez nombre de spectateurs. Vous savez, de ces images qui vous font détourner la tête: là des pinces qui arrachent les dents de porcelets, l’homme en bleu de travail tenant à pleines mains, le porcelet qui gigote et la pince qui nous apparait bien l’instrument de torture qu’elle est, et puis la queue du même porcelet sectionné d’un coup de couteau…

Ce haut le coeur, on l’a du début jusqu’à la fin en regardant ces images: « Cochon qui s’en dédit » réalisé en 1979 et édité aujourd’hui dans la collection « Le Geste cinématographique ». Insoutenables, les images, le propos, la situation: celle de Maxime qui crée en Bretagne un élevage industriel de porcs. Un élevage comme des milliers d’autres. Un élevage dont on aimerait qu’il ne fut plus qu’un mauvais souvenir. Il n’en est rien. 

Cet enfer concentrationnaire, inimaginable, existe toujours. On a envie de crier stop, arretez! mais la pellicule continue avec ses horreurs. Maxime, surendetté, n’arrive même pas à vivre de cet effroyable travail. Sous la direction de Jean Rouch, pendant 3 ans, Jean-Louis Le Tacon filme « la raison économique comme une machine de mort. »

A voir absolument.

Sortie aux Editions Montparnasse le 4 janvier prochain.

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le mensonge de l’agriculture « productiviste:

Dans une tribune libre du Monde daté du 7 décembre, Stéphane Hessel et Robert Lion, administrateur et président d’Agrisud , dénoncent le mensonge de l’agriculture productivite : « contre la fausse révolution verte, stoppons le productivisme agricole ». Ils pointent les catastrophes nées de ce productivisme: pollution de la nature et des aliments, destruction des milieux agricoles et humains, la main mise des multinationales sur les aliments. 

Le film de Coline Serreau, « Solutions locales pour un désordre global » en est la magistrale démonstration. Sorti au cinéma en mars dernier, ce documentaire a été un succès cinématographique avec près de 250 000 entrées. Il est aujourd’hui disponible en DVD, enrichi d’entretiens avec Lydia et Claude Bourguignon, Dominique Guillet qui revient sur la disparition des abeilles, avec Patrick Viveret qui plaide pour la décroissance, Jean-Claude Michéa qui parle des « errements de la société libérale« .

Revenons un instant à Stéphane Hessel et à Robert Lion. Pour terminer leur article, ils citent le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation: « l’agroécologie peut mieux garantir la sécurité alimentaire du monde sur le long-terme ». Finalement les « doux rêveurs » auraient les pieds sur terre, alors que les multinationales de l’agroalimentaire, seulement préoccupées du profit court terme, nous mèneraient au précipice.

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le saisissement et l’incompréhension.

Revoir les images de « De Nuremberg à Nuremberg » me saisit toujours. Pourtant depuis 20 ans, date de sa première édition en vidéo, je l’ai vu et revu. Une fois de plus aujourd’hui, pour annoncer l’édition de la version originale de 4 heures. Oui le saisissement, l’incompréhension, l’effroi devant la folie meurtrière qui s’empare des hommes, devant la folie meurtrière d’un homme qui soumet tout un peuple à sa volonté.

Le film de Fréderic Rossif et Philippe Meyer ne cesse de nous rappeler ces questions. Celles qui amènent la philosophe Hannah Arendt a parler de « l’extraordinaire banalité du mal ». Nous ne pouvons comprendre ce mal, chaque image de cet irremplacable récit nous interroge. La démonstration du film passe aussi par la force de la réalisation et du montage de Fréderic Rossif, la qualité du texte de Philippe Meyer, la résonnance de la musique de Vangelis.

Un ballet parfait et monstrueux. 

Un cauchemar fascinant.  » J’ai conçu ce film pour réveiller les mémoires » dit Fréderic Rossif lorsqu’il le réalise en 1988. Disparu au début des années 90, Fréderic Rossif réveille toujours nos mémoires!

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