Un français libre

Dans la grande salle de l’Ecole militaire, sur l’écran, les images défilent. En noir et blanc, parfois nettes, le plus souvent un peu floues ou rayées, ou bougeant, révélant alors  l’amateur ou les difficultés de tournage. Au détour de ces images de guerre, des visages, jeunes, très jeunes : 20 ans sous l’uniforme choisi. Les premiers français libres, arrivés en Angleterre en juin et juillet 1940. Le film, réalisé par Gabriel Le Bomin, produit par Fabienne Servan-Schreiber et l’Etablissement Cinématographique des armées, raconte la vie intense et brève de Jacques-Henri Schloesing, aviateur, abattu le 26 août 1944, à 24 ans, au dessus de la Normandie. Jacques-Henri Schloesing, fait Compagnon de la Libération le 16 août 1944, avait trois frères, une soeur, une mère. Sa mère avec son plus jeune frère, 16 ans, le rejoint à Londres dès 1940. Un troisième frère s’engagera aussi dans les forces navales gaullistes. Le quatrième, officier de marine, restera « fidèle » à Vichy.

L’histoire de cette famille est exemplaire. Du déchirement. Du choix. Du courage. Olivier Schloesing, devra attendre ses 18 ans pour se battre. Il est là devant nous sur la scène. Le courage, c’est de vaincre sa peur! explique-t-il. A coté de moi, dans les rangs des spectateurs, un contemporain d’Olivier, lui aussi, aviateur, français libre, raconte: je n’avais pas de courage, j’étais indifférent au danger. Quelques questions encore : qu’est-ce qui fait dire non, Pour Olivier Schloesing, sa famille était non-conformiste, c’est la raison de leur engagement. Mais ce ne fût pas le cas d’un des quatre frères! Pour mon voisin : l’instinct, jette-t-il sans autre explication

J’en parle, dans nos conversations régulières du samedi matin, à mon ami François Gall, qui avec son frère – ils ont alors 16 et 17 ans- participe en juillet 40 à un réseau d’évasions des aviateurs anglais abattus dans l’est de la France. A ces hommes qui ne parlent pas français, ils font traverser Paris à pied, de la gare de l’Est à la gare Montparnasse, les remettant à d’autres passeurs, sous le nez des soldats allemands.  L’instinct? je ne comprends pas, nous étions patriotes. La Patrie nous animait. Non je ne comprends pas l’instinct. Je lui parle de cet instinct paternel qui me faisait penser qu’il me pousserait jusqu’à me jeter sous les roues d’une voiture pour sauver mes enfants, celui égaré au milieu d’une rue ou tomber dans une rivière. Donner sa vie par pur instinct, sans aucun raisonnement. N’est-ce pas le même qui vous a poussé à choisir votre engagement. Alors que l’immense majorité des français penchait vers la peur et la sécurité ?

François et son frère Jacques, à ce moment là, étaient « avant la Résistance ». Ni par idéologie ou engagement politique. Les Schloesing et les Gall, font partie de ces hommes mus par autre chose, peut-être de celle dont parle Charles Péguy : une âme indomptable, forgée par l’Histoire de leur pays.  Peut-être celle dont parle sur la scène ce soir là, un officier, historien, auteur de la biographie sur la famille Schloesing, dont est adapté le film. Lorsque les circonstances l’exigent, les hommes exceptionnels surgissent. Il ne faut jamais désespérer.

Olyssa, jeune et joyeuse « patronne » du Napoléon, café au coin de ma rue, me fournit une autre réponse : la conscience !Elle me parle d’un long voyage, effectué seule, en Inde. Elle a découvert l’approche de la conscience, du ressenti, du travail sur soi, à travers le Yoga, la respiration. Le ressenti, l’instinct! Tiens voilà l’instinct qui ressort. Nous dissertons, entre deux commandes de café, sur l’instinct, l’intuition… ça c’est féminin, me dit-elle. Nous parlons encore de l’émotion qu’elle a ressentie hier soir devant les images à la télévision des foules contre l’islamisme. Il y avait des musulmans, des chrétiens, des juifs et d’autres, ensemble. La mort d’Hervé Gourdel aura eu cet effet, souder les gens! Il y a encore du chemin à faire. Les circonstances…

 

 

 

 

 

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