la passion de l’histoire

Je me souviens de Marc Bloch, de L’étrange défaite, de la lumière fulgurante donnée par la pensée de Marc Bloch devant « notre » histoire en marche. Je me souviens d’Hannah Arendt, de son regard sur l’homme de l’autre coté du tribunal dans sa cage de verre pour le « protéger » lui le bourreau, de toute menace. Hannah Arendt face à Eichman à Jérusalem, et là encore une pensée lumineuse que l’on ne peut oublier, La banalité du mal. Je me souviens encore de Frédéric Rossif commentant un jour, pour moi, son époque avec emportement et gravité. De Nuremberg à Nuremberg ou Mourir à Madrid sont les résultats de cet emportement. De très belles vérités et de très grands oublis. De quoi pourrais-je encore me souvenir pour parler de l’Histoire du monde? Des peintures de Lascaux, à la marquise de la Solana de Goya au Louvre qui, elle, me parle tant, aux innombrables et si percutantes œuvres du musées qui disent tant sur la beauté et la violence du monde.

Quel roi aurais-tu aimé être? Question pour l’amusement posée un soir, entre amis. A leur étonnement je choisis Louis XI plutôt que Louis XIV. Louis XI, petit roi de France sans pouvoir face au flamboyant duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, bien plus puissant que lui. Louis XI qui va l’emporter, avec son conseiller Olivier le Daim, par la ruse – je me souviens, enfant, de la gravure dans mon livre d’Histoire de France, de ce pauvre et traitre cardinal de la Balue, enfermé dans une cage dans laquelle il ne pouvait pas se retourner, horrible !- Tout n’est pas excusé, mais tout est sublimé par la nature de la mission. Le roi ne ruse pas pour lui, mais pour la France. La France est ruinée, il ne dépense rien, il est pingre, mesquin même. Le petit roi pense la France. Au delà de lui. Après, on peut aimer ou ne pas aimer, cette France. Endosser l’image de Louis XI n’est quand même pas flatteur. La prochaine fois, si je rejoue au jeu des rois, je choisirais Paris vaut bien une messe et  La poule au pot chaque dimanchele bon roi Henri IV et son ministre Sully, du velours!

Des historiens « reconnus » viennent de publier une nouvelle version de l’Histoire de France. Cette histoire n’aime pas beaucoup celle dont je parlais. Elle entend s’appuyer sur une nouvelle approche, un vrai travail scientifique pour refonder notre histoire. Elle dit une nouvelle vérité. Mais pourquoi cette histoire serait-elle plus juste que la version précédente. La prétention même à l’être parce que « juste » enfin, annihile cette prétention. L’apriori guide la recherche, le tri, la mise en perspective. Poitiers n’est plus l’arrêt de l’invasion sarrasine, Jeanne d’Arc est un mythe sublimé et récupéré par des opportunistes, Les Mille et nuits fondent mieux la France que la Chanson de Roland. Entre autres. Pourquoi pas ? Salutaire titre l’éditorialiste d’un quotidien qui enfin a ce qu’il veut. Une histoire a sa pointure.

Chaque époque refait ses mythes selon son penchant idéologique. Dans cette refondation, de l’histoire de France, la conquête et la colonisation de la Gaule par les romains et les germains est un apport formidable – oubli des morts, des viols, etc..- mais la colonisation, la conquête de l’Afrique par les français, ne méritent pas de louanges. Je crois que Marc Bloch, Hannah Arendt avaient pour eux la « vérité » de leur pensée. Ils puisaient cette pensée dans les racines de leur intuition et de leur instinct, ils étaient au-dessus, bien au-dessus d’une mêlée réductrice, ils étaient une idée, pas une idéologie. Ils comprenaient quelque chose de rare, sortis du cœur et de l’esprit. Je vais les relire cette année.

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