l’air du temps

après la pluie le beau temps, c’est évidemment ce que l’on peut souhaiter aux aoutiens, ces migrants de quelques semaines qui veulent changer d’air, voir autre chose, prendre le temps de voir le temps s’écouler. Moi-même juilletiste de la deuxième quinzaine, j’ai été assez privilégié: ciel bleu, nuit fraiche, campagne du sud-ouest verte comme jamais. Je voudrais un instant me faire l’écho de la nature. Trois mois de pluie ont reconstitué les « nappes phréatiques », c’est à dire les réserves d’eau souterraines indispensables à notre vie, à celle des productions de la terre. Si nous guettons la météo, on peut aussi décrypter ces annonces contradictoires: soleil demain ne signifie pas forcément bonne nouvelle.

Mais les habitués des documentaires que nous éditons connaissent tout cela. De « Solutions locales »au réjouissant « La Clefs des terroirs« , vous ne cessez de militer pour une autre façon de considérer notre monde. Il y a urgence pensons-nous certes, mais il y a encore une évidence: penser autrement les rapports humains est une belle façon de voir la vie, plus joyeuse, plus optimiste.

Pour revenir un instant sur certains de mes blogs précédents et notamment sur ceux s’attristant sur l’état des « bleus » du foot, la vision de l’équipe de natation française aux Jeux Olympiques provoque mon admiration: amitié, cohésion, travail, respect…voici quelques unes des qualités citées à propos de cette équipe. J’ajouterai que les regarder est un plaisir. Ils respirent la camaraderie, la santé, le bonheur.

Leur entraineur explique encore ses recettes du succès: « quand on a constaté que cela n’allait pas il y a quelques années, on s’est repris, on a travaillé, ensemble, avec une discilpine que nous avons tous voulu. » Voilà qui devrait faire réfléchir les « patrons » du football français. Yannick Agnel sur le podium écoutant la Marseillaise nous offrait une double médaille, d’or  oui, mais celle aussi du sportif citoyen.

« Un Munich du sport » c’est le commentaire que j’ai entendu dans la bouche d’un proche à l’annonce il y a deux semaines de la décision de la FIFA d’autoriser les joueuses si elles le souhaitaient à jouer avec un voile. Les pays du Golfe, grands argentiers de la FIFA, obtiennent cette décision contraire aux réglements qui banissent tout signe religieux ou politiques. Le président de la FIFA est un français, Michel Platini. J’aimerais lui demander s’ils pensent aux sportives du monde entier, et peut être aux femmes tout simplement: est-ce un progrès pour lui?

 

 

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Ylva Schwenke, 15 ans. Elle a reçu une balle à l’épaule, à l’estomac et aux deux cuisses.

«  Ce jour-là aurait très bien pu être le dernier de ma vie. Le 22 juillet j’ai perdu mon innocence. Je ne fais plus confiance à personne, je n’ai pas peur, mais je suis consciente que tout peut arriver. Maintenant lorsque je suis en voiture, je me dis toujours que la voiture qui roule en face de nous peut nous percuter volontairement. Je porte mes blessures avec dignité, parce que je les ai reçues debout, pour quelque chose en quoi je crois, pour la Norvège »

M le magazine du Monde publie cette semaine un remarquable et émouvant reportage sur des rescapés de la tuerie d’Utoya le 22 juillet 2011 en Norvège. La photographe Andréa Gjestvang nous livre 11 portraits de garçons et de filles de 15 à 24 ans. Eux sont vivants, par chance, par courage aussi, cachés sous une table, accrochés à flanc de falaise, nageant jusqu’ à être recueillis enfin par un bateau – Utoya est une ile ou se passait le rassemblement de la jeunesse  du parti social-démocrate norvégien- parmi les soixante neuf morts, ils ont laissé un ami, une amie parfois très proche. Eux mêmes ont été souvent blessés comme Hanne Hesto Ness, 20 ans, une jolie blonde dont la photo montre la beauté et la jeunesse. Elle a reçu une balle au cou, au bras gauche et au petit doigt. Une vertèbre de son cou a été brisée et on a du l’amputer d’un doigt.

«  A 19 ans j’a dû réapprendre à marcher. J’avais besoin d’aide pour tout. J’aimerais pouvoir dire  qu’après cela ma vie a en quelque sorte atteint une nouvelle dimension ou une signification plus profonde, mais je n’en suis pas sûre. Rien n’est comme cela aurait dû être. Mon corps a radicalement changé. Ma meilleure amie est morte. Beaucoup d’autres amis aussi. Tout ce que je veux, c’est vivre une vie normale, mais c’est difficile alors qu’autour de moi tout a changé. »

Je les regarde aujourd’hui, ayant perdu l’insouciance de la jeunesse d’un pays préservé, riche. Je regarde Hanne, Iselin, Mathias, Kjetil, Catthrin qui tentent non pas d’oublier- pas encore, peut être jamais- mais de vivre avec, de vivre malgré.

Les témoignages accompagnent leurs photos. Je me demande, comment  étaient-ils avant?  N’ont-ils pas tous l’air grave, absent aussi. Une innocence perdue quelque part un 22 juillet il y a un an,  par la folie inexplicable d’un de nos semblables. Un être humain.

Cela rend dérisoire, absurde même, la couverture de ce magazine sur un journaliste célèbre dans le petit monde parisien, et si futile, si vain cet autre article sur une très people école du 6° arrondissement de Paris. Deux reportages bien écrits, excitants notre curiosité, -notre voyeurisme ?- puisque nous pénétrons dans le monde des privilégiés, que nous découvrons les petits travers de l’un, la vanité des autres et vice-versa! Le décalage parait d’autant plus grand.

 

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Les Bleus, amour et désamour ?

Dans le supplément du Monde daté du samedi 30 juin, Daniel Cohn-Bendit, passionné de football, revient sur les injures du footballeur français Samir Nasri lors de l’Euro. On pardonne l’incivilité du vainqueur, pas du perdant, nous dit-il. J’aimerais savoir ce que signifie exactement cette réfléxion. Et lui qu’en pense-t-il vraiment? Pardonne-t-il lui-même au vainqueur son incivilité ? Ou veut-il dire ainsi que c’est nous qui sommes globalement ainsi. Malheur aux vaincus en quelque sorte! Sa longue interview par Raphaëlle Bacqué et Michel Guerrin est passionante. Daniel Cohn-Bendit me rappelle les « papiers » des années 80 de Serge July, le patron de Libération. Journaliste et sociologue, le microscope dans une main, la lunette astronomique dans l’autre. De la hauteur et du raz des paquerettes. Du style encore et des phrases bien senties.

Donc Daniel Cohn-Bendit essaie de comprendre le joueur de foot, son attitude, ses injures, pourquoi il en est là. La majorité des footballeurs professionnels sont des enfants gatés, mais d’origine non gatée. Et parfois, ça se voit. Il ajoute: la dégradation sociale et la désintégration identitaire sont plus graves en France que dans la plupart des autres pays européens. Nous pouvons le suivre sur ce terrain, mais là ou il m’étonne c’est lorsqu’il répond à la question des journalistes sur: « c’est un problème d’éducation ? » je n’aime pas ce terme. En Allemagne, de plus en plus de jeunes passent le bac, ont une vie intellectuelle, vont au spectacle. Je ne sais pas si ils sont mieux éduqués, mais ils ont une vie à coté du football. Et il compare celle de Samir Nasri à celle du joueur allemand d’origine turque, Mesut Ozil. Il ne semble pas avoir une autre vie entre le terrain et la PlayStation.

Je vous laisse le soin de lire ou relire cet article, encore une fois posant pour moi beaucoup de bonnes questions, et je voudrais simplement vous renvoyer à un DVD édité par Editions Montparnasse: Allez le stade, 1950-1962, une passion rémoise, un film de Jules-César Muracciole. Film accompagné d’un autre document, Batteux, l’homme du match. Vous découvrirez de grandes figures du football français, des noms de légendes: Raymond Kopa, Just Fontaine, Roger Piantoni et Dominique Colonna. Et puis un entraineur, Albert Batteux. Regardez les, écoutez-les. Voyez leur simplicité, leur enthousiasme, leur générosité. Ils gagnent, préfèrent gagner que perdre. Mais ils perdent aussi, essaient de comprendre pourquoi. Ils saluent leurs adversaires, vainqueurs ou non.

Ils sont d’origine modeste, étrangère encore ( Raymond Kopaczewski, fils de mineur polonais) n’ont pas de diplômes.  Batteux, il n’avait pas le certificat d’études, mais quelle langue il avait, ses discours étaient magnifiques, nous dit just Fontaine, qui ajoute: quand on m’a dit que j’allais jouer à Reims, je n’ai pas demandé combien j’allais toucher. Et Piantoni: Je me régalais d’avance avant de jouer. Raymond Kopa, qui ira jouer au Réal Madrid et emportera avec ce club 4 fois la Coupe d’Europe, qualifiait ainsi le bon jeu  : technique, joyeux, intelligent. Quand à Batteux voilà comment il voit le footballeur: sa sensibilité est éxacerbée par les événements. Quand il a terminé, ou il a gagné le match et alors il éprouve une joie extraordinaire. Ou il est battu et c’est une déception à la mesure de la joie qu’il aurait eu avec la victoire. Il est donc délicat à manier quelque soit son origine, son témpérament…

Je crois qu’ils étaient civilisés (1)- on ne parlait pas encore d’incivilité (2)- parce qu’ils avaient le sens aussi du collectif. Trop d’argent, trop d’invidualisme, pas de respect des autres. Le sport exacerbe les travers de l’époque. Un film qui devrait passer dans toutes les écoles de France! Il n’avait pas le certificat d’études, mais quelle langue il avait, ses discours étaient magnifiques! C’était Albert Batteux, entraineur de l’équipe de football de Reims.

(1)  civilisé définition Wikipédia:  le comportement civilisé est celui qui permet aux hommes de vivre ensemble…

(2) incivilité idem: comportement qui ne respecte pas une partie ou l’ensemble des règles de vie telles que le respect d’autrui, la politesse ou…

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3 000 amis sur Facebook

le 28 juin vous étiez  3 018 très exactement ami (e)s d’Editions Montparnasse sur Facebook,  et chaque jour vous êtes un peu plus nombreux à rejoindre via ce réseau social un « groupe » qui entend nous soutenir, parler avec nous, nous faire part de ses envies, de son intérêt pour tel ou tel programme édité.

Que de chemin parcouru en 22 ans, à la création d’Editions Montparnasse, à l’époque, début des années 90, vous écriviez, nous téléphoniez, il y avait encore des rencontres dans les projections, les festivals. Le lien était fort, chaleureux, mais restait entre nous, le passionné et l’éditeur. Aujourd’hui, les réseaux sociaux permettent aux amis dEditions Montparnasse, non seulement de nous dire ce qu’ils aiment (ou n’aiment pas), mais de partager entre eux leurs impressions, en direct, immédiatement, sans autre médiation de notre part que le respect des uns des autres.

Ce lien nous aide certes mais il est exigeant. La réactivité du réseau, la diffusion immédiate de l’information, de la remarque: j’aime, je n’aime pas, vos commentaires nous entraine à être encore plus présent,. Le réseau social ouvre une gigantesque conversation pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur, dans notre réseau social, je vois le partage des idées, la diffusion des commentaires. Et quand je regarde les ventes quotidiennes du site Montparnasse, je souhaite aux amis la découverte toujours plus approfondie du catalogue, une caverne d’Ali Baba, des trésors inconnus à la plupart d’entre vous, la richesse d’une production documentaire et cinéma de qualité. A partager avec passion.

 

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des moments qui vous donnent la pêche!  » Matelots de la vie » dans Thalassa

J’avais dit dans un récent blog la rencontre réjouissante avec l’émission de Georges Pernoud. Il suffit d’être là un vendredi soir devant sa télévision, de ne pas avoir des amis à diner- ou de sortie-, un livre en cours, un dvd captivant des Editions Montparnasse! Donc être chez soi, et finalement éprouver la curiosité de voir la vie grouillante que nous promet les programmes de télévision. Et bien ce soir là encore c’est Thalassa qui nous a promis le plus beau voyage, le plus émouvant, le plus humain: Matelots de la vie de Béatrice Berge, une histoire presque banale de solidarité, de rencontres chaleureuses.

Mathilde, Clément, une dizaine d’adolescents pas comme les autres,  en rémission de maladies dont on devine que ce sont des cancers, embarquent pour 3 semaines, pour sortir de leur maladie, pour retrouver une envie de vivre. Pas simplement pour eux-mêmes, parce que l’on découvre qu’ils vont faire vivre leur vie quotidienne à 3 000 malades en traitement dans des hopitaux. Des jeunes, très jeunes parfois, atteints eux aussi de cancers.

Ils filments leurs expériences, créent un journal quotidien, inventent, cherchent, jouent, sourient. Dans les hopitaux, les images arrivent, les soignants participent eux aussi, le lien avec les petits malades se renforcent. Un courant passe. Là on est sur la bateau, dans leurs joies, on est Clément, simple, net, face à sa maladie, face à sa rémission, face à son changement. Je ne verrai plus la vie de la même façon nous dit ce fils d’agriculteur, qu’on a suivi avant l’embarquement dans la ferme familiale nourrissant les vaches laitières. Qu’on retrouvera encore plus déterminé.

Allez de l’avant c’est simple, semble-t-il nous dire. Mathilde abandonnera sa perruque, ébouriffe devant nous ses cheveux drus et courts, rit. Rien de larmoyant. Beaucoup d’émotion dans ce reportage juste. Les grands reportages, pour reprendre un terme du métier de journaliste, ne sont pas forcément ceux qui se font à l’autre bout du monde. Non ils peuvent être là devant nous, à coté de nous.

 

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Revue de presse: Dennis Meadows, de 1972 à Rio+20, 40 années gachées

Dans Libération de ce samedi un entretien bouleversant à tous propos: Le scénario de l’effondrement l’emporte. Dennis Meadows nous annonce l’effondrement des systèmes écologiques et économiques faute d’avoir compris ce qui se joue depuis quarante ans.  En 1972, Dennis Meadows, avec trois autres scientifiques du M.I.T,  avait publié un rapport pour le Club de Rome, The limits to Growth. En 1972, simulant les interactions entre population, croissance industrielle, production alimentaire et limites des écosystèmes terrestres, ils avaient établi les 13 scénario possibles pour notre civilsation. Quarante plus tard, pour Dennis Meadows, c’est celui de l’effondrement qui se joue devant nous.

En 1972, nous utilisions 85% des ressources de la biosphère. Aujourd’hui nous en utilisons 150% et ce rythme s’accélère. (…) Dans à peine trente ans, la plupart de nos actes quotidiens feront partie de la mémoire collective: « je me souviens avant, il suffisait de sauter dans une voiture pour se rendre ou on voulait », ou « je me souviens, avant on prenait l’avion, comme ça » pour les plus riches cela durera un peu plus longtemps, mais pour l’ensemble des populations, c’est terminé. Dennis Meadows pointe l’aveuglement du système: C’est fini, la croissance économique va fatalement s’arrêter. Elle s’est arrêtée d’ailleurs. (…) Par effondrement, il faut entendre une chute combinée et  rapide de la population, des ressources, et de la production alimentaire et industrielle par tête.

La vraie question est de savoir comment nous allons changer d’idées. Pour des pans entiers de notre vie sociale, on s’en remet au système économique. Vous voulez être heureuse? Acheter quelque chose! Vous êtes trop grosse? Achetez quelque chose pour mincir. Vos parents sont trop vieux pour s’occuper d’eux? Achetez les services de quelqu’un. (…) cette civilisation matérielle va disparaître. Notre espèce survivra, mais dans d’autres conditions.

 Pour moi cet effondrement sera source de violences inouïes. Comment imaginer que les populations, à qui l’on continue de faire miroiter la croissance du pouvoir d’achat, du développement de leurs conditions matérielles,  acceptent cela sans réagir. Mais nos hommes politiques ne sont pas des imbéciles. Ils savent bien que la croissance n’est plus possible. Les chinois savent bien que leur course folle se terminera bientôt, encore plus vite que la nôtre! ? Pourquoi continuent-ils à nous mentir? Ne peuvent-ils pas faire autrement? Nos démocraties ne tiennent-elles que par la croissance? Quelles seront ces autres conditions

Eviterons-nous,  la fin nucléaire, solution finale bien commode à nos problèmes, comme le craint l’anthropologue René Girard dans Achever Clausewitz ? Dennis Meadows ne croit guère à la raison humaine: comme environnementaliste, je trouve stupide que des dizaines de milliers de personnes sautent dans un avion pour rejoindre la capitale brésilienne, (…) c’est complètement fou. Rio+20 ne produira aucun changement significatif dans les politiques gouvernementales, c’est même l’inverse.

Nous voilà prévenus. Je vous recommande cet article. Il n’est pas joyeux à lire. Il est essentiel. Il y a deux façons d’être heureux nous dit encore Meadows, avoir plus ou vouloir moins. Comme je trouve qu’il est indécent d’avoir plus, je choisis de vouloir moins. Le choix, voilà!

Je poursuivrai cette revue de presse demain en vous parlant d’Alain Finkiekrault dans le Journal du Dimanche et après demain des Compagnons de la Libération vus par Philippe Labro dans le Figaro

 

 

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 » La question culturelle est à la racine de la crise grecque »

Dans la Croix du 15 juin, le titre de l’interview du philosophe grec Stelios Ramfos donne le ton. Et me semble particulièrement éclairant.  Son analyse nous permet de comprendre que la Grèce appartient à un autre monde que le nôtre, l’européen ou la raison tempère le sentiment, ou l’individu reconnait la présence bénéfique de l’Etat dans notre organisation. « La Grèce n’a jamais eu de Renaissance. Elle n’a pas connu les Lumières. La domination ottomane a prolongé le Moyen Age. Nous sommes des archaïques. Les grecs sont incapables de voir l’intérêt commun. »  Stelios Ramfos confirme des propos de mon blog précédent sur la longue marche de l’Europe: »l’argent facile ( de l’Europe) a servi à améliorer le sort des proches sans se préoccuper du bien commun. »dit-il. Je disais en parlant de la Grèce en faillite: Qu’a fait l’Europe lorsqu’elle a mis en place l’euro pour construire une gestion de l’argent »

Ne pas nier les différences, comprendre l’irrationalité avant de vouloir imposer le rationnel. « Ce n’est pas une question d’économistes. Il faut dire à la troïka de s’entourer d’anthropologues, de philosophes et de commencer par réformer l’éducation en Grèce. » Stelio Ramfos ajoute que l’orthodoxie joue un rôle clé: «  l’orthodoxie, la chrétienté d’Orient a profondément forgé les mentalités comme à Chypre, dans les Balkans et en Russie. Ne pas comprendre la Grèce, c’est ne pas comprendre le continent européen de Chypre à Vladivostok. Pour comprendre la Grèce, il faut lire Dostoïevski. »

« Il y a une convergence avec le dogmatisme communiste. Ce n’est pas un hasard si nous avons encore un parti communiste stalinien » La mémoire courte -ironie de l’histoire- l’absence du sens de la démocratie- deuxième ironie de l’histoire- le poids des sentiments- oh, Grèce de Platon, d’Aristote mais encore des dieux et de la tragédie- voilà ce qui pour Stelios Ramfos sont les caratéristiques de son peuple: « en lieu et place de l’avenir, nous menons un combat entre le bien et le mal. » Les grecs, personnages du roman dostoïevskien.

Alors les grecs peuvent-ils conserver l’espoir ? Le philosophe ne cache pas sa crainte: C’est ce que j’appelle « le risque Maghreb », la tentation de s’installer dans le prémodernisme pour l’éternité, dans un présent immobile, le présent des ascètes, des soufis, de la prière et non pas celui de l’action. Or la prière aurjud’hui doit être créative et non pas passive. » La victoire du parti d’extrême gauche Syriza serait celui de la régression. Du passé le plus sombre. Pour moi qui pense que l’Europe se fondera d’abord sur la culture, que l’économie ne devrait être qu’un moyen au service des hommes, et pas comme c’est le cas, le contraire. Que l’Europe actuelle est en crise pour avoir inversé ses valeurs.

Que cet entretien parait révélateur: notre force apparente est notre faiblesse réelle: elle méconnait les peuples et leur culture. La démocratie athénienne opposée au village global. L’Europe des banquiers, de l’OMC et du FMI aux irréductibles grecs. Le désordre somptueux des iles greques face aux côtes turques dévastées par la promotion immobilière. A-t-on laissé aux peuples européens le choix  de leur destin ?

Dans le même journal, réconfortant portrait d’un homme superbe, le comédien Jean Piat, 87 ans, qui tous les jours au Théatre de Paris, seul sur scène fait sien le texte de Vous avez quel âge? à lire, à voir.

 

 

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La longue marche de l’Europe…

Vingt ans après Maastricht, nous en sommes encore à nous demander de quelle Europe il s’agit. Replongeons rapidement dans cette histoire: traité de Rome en 1957 formant l’Union économique des Six, élargissement en 1992 avec l’entrée de l’adversaire de l’Europe des Six, la Grande Bretagne, tenant du Libre échange – Le général de Gaulle s’y était toujours opposé, considérant que les anglais entre l’Europe et l’Amérique choisiraient toujours celle-ci- puis Maastricht, en 92, qui ouvre la voie à l’euro et à l ‘union politique, qui renforce les pouvoirs de Bruxelles, de l’idée européenne sur l’idée nationale. Il y aura dans les dix dernières années, l’arrivée de l’euro dans notre vie quotidienne en 2002, l’échec du référendum de 2004 en France, qui sera contourné par une modification de notre Constitution ne soumettant plus au peuple mais à une simple approbation parlementaire, tour de passe-passe qui permettra la ratification de 2007 du traité de Lisbonne.

En vingt ans, un élargissement à vingt sept pays, sans maitrise du temps, des conditions de réalisation. Avec un seul objectif: réaliser une Europe économique de libre-échange dans le marché intérieur, mais aussi trop ouverte à tous les vents, et surtout trop déséquilibrée entre ses membres.

Il y a la crise incroyable ou on entend parler de récession, d’austérité, d’Europe à deux vitesses. Ou d’éclatement de la zone euro. Les chiffres donnent-ils le vertige? Pas sûr. C’est la confiance qui manque le plus. 

Aujourd’hui j’ai envie de m’en « prendre » à Bruxelles, cette bureaucratie qui a des pouvoirs immenses dans nos vies, sans contrôle réel des politiques. A Bruxelles ou l’idéologie financière, ultra-libérale, ou la soumission à la pensée anglo-saxonne, ne cessent de grandir.  Bruxelles qui finit par nourrir le populisme grandissant des peuples européens.

Un exemple: la Grèce est en faillite pour avoir trop consommé à crédit. Mais qu’a fait l’Europe lorsqu’elle a mis en place l’euro pour construire une gestion de l’argent? Qu’on fait les conseils des Etats, les Goldman Sachs, les gouverneurs des banques, les commissaires européens pour aider les peuples à bien gérer cette immense crédit qui s’est mis en place avec l’euro?

Quel gachis ! De voir les dirigeants réagir au jour le jour, manquer de vision à long terme. Oui certes, les allemands ont été les bons élèves de la classe, travailleurs, modestes, mais profitant aussi de nos consommations effrénées. Oui l’égoïsme est bien partagé, mais faut-il encore donner un idéal aux peuples européens pour qu’ils pensent autrement. Un exemple: l’Europe est l’entité économique mondiale la plus ouverte à l’importation sans protection des produits des pays émergeants.

Depuis trente ans au nom du consommateur-roi, du pouvoir d’achat développé par le bas prix, nous avons « cassé » nos industries. Bruxelles y a contribué en mettant en place une idéologie de la concurrence en faveur du consommateur. Oubliant que le consommateur est aussi un salarié, qu’il doit être aussi un « productif ».  Travailler plus pourquoi pas, mais c’était avant la crise, aujourd’hui c’est tenter de conserver du travail. Protéger les PME de la concurrence sauvage et déloyale des pays émergeants. Eduquer le consommateur, changer son comportement, acheter en priorité français et européen. Consommer moins et mieux. Voilà quelques pistes indispensable pour notre redressement. 

Nous plaidons pour que la finance anglo-saxonne ne nous dirige plus. Que Londres n’impose pas à Bruxelles la politique européenne, que l’axe franco-allemand se reconstitue autour d’une vision consensuelle et solidaire.

La longue marche de l’Europe débouchera-t-elle sur des lendemains glorieux, ou sur des révolutions destructrices? La réponse se joue en ce moment. Sur ces questions.

 

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El Sicario chambre 164, un film de Gianfranco Rosi

  • Après un sous titre: « à la frontière américano-mexicaine« , le premier plan. La ville vue d’en haut, au coeur de l’image, petits comme des jouets,  des buildings, un monument en T inversé. Sur des autoroutes urbaines, le flux habituel des automobiles bruyantes et malodorantes. Sous le soleil, la chaleur que l’on devine, une agglomération banale. Le deuxième plan tout aussi banal, une plaque sur une porte: 164, puis la chambre, vaste, presque luxueuse, des meubles en bois vernis, un immense lit avec ses quatre oreillers blancs sagement rangés. Enfin on aperçoit la salle de bains, avant d’y pénétrer pour trouver le confort désuet du motel américain de la frontière.

Des mains s’emparent d’un tissu noir, une sorte de bas, ample. La silhouette, massive, au visage invisible, enfile le bas après avoir constaté sa finesse et son opacité. La confession peut commencer. Anonyme pour qui? Nous? La police? Le cartel des narco-trafiquants.

« Je me souviens qu’on nous a envoyé du Mexique aux Etats-Unis, un collègue et moi, avec pour mission d’enlever quelqu’un. De le séquestrer. Nous sommes venus dans ce motel, dans cette chambre. Il est resté là trois jours pendant lesquels on l’a torturé, jusqu’à ce que le chef nous téléphone pour nous dire de le livrer. »

La confession d’El Sicario est odieuse, indispensable aussi pour comprendre la violence et les dangers des cartels de la drogue. Les narco-trafiquants pourissent tout et tous, achètent, effraient, et quand ils n’arrivent pas à obtenir, tuent. ou plutôt font tuer. Par El Sicario et ses « collègues ». El Sicario, torture, tue, lorsqu’il ne tue pas, livre un homme, une femme. Qui sera le plus souvent executé. Sans remords. Des centaines d’assassinats sur ses mains, par ses mains, celles que je revois encore aujourd’hui derrière le voile noir, des mains , des mains grosses et délicates, de tortionnaire, des mains qui ont aussi caressé un être chéri, enfant, femme.

La Colombie, les pays d’Amérique centrale, le Mexique, les Etats-Unis, mais aussi plus souterrainement, l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient, la tentaculaire pieuvre de la drogue mine nos jeunesses, introduit la peur au coeur de nos cités. El sicario est partout.

Dans un blog précédent, je faisais longuement référence à XXI, à son numéro du printemps, à deux articles sur Davos et sur les entreprises allemandes. Le même numéro publie un hallucinant reportage de Jonathan Littell sur Ciudad Juarez, ville frontière mexicaine face à El Paso, celle-ci au Texas. » Plus de soixante heures sans exécutions (…) aujourd’hui, Juarez est très tranquille. Ennuyeuse même.C’est plus l’époque pesante d’avant, quinze ou vingt morts par jour. Maintenant c’est trois, cinq, sept. «  Les commentaires des journalistes locaux sont optimistes. Il y aurait du mieux. En fait la misère nourrit le crime, le crime nourrit la misère, la drogue circule de haut en bas de cette misère.

Les patrons du narco-traffic même mettent leurs enfants à l’abri de l’autre coté de la frontière, aux Etats-Unis. Ciudad Juarez s’enfonce chaque jour un peu plus dans la violence comme une métaphore d’un monde en destruction, un monde sorti de l’humanité. Un enfer très ordinaire est le titre du reportage de Jonathan Littell. El sicario,room 164, un monstre très ordinaire?

 attention, disponible le 5 juin

 

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réjouissant Thalassa

C’ést un vendredi, je délaisse lecture et cinéma, amis et conversations, pour la télévision, c’est rare depuis que je ne suis plus accro d’une série ( Maison Blanche, Mad Men, Borgen). Avec la télécommande, je passe en revue les programmes, bof! rien de bien nouveau, les mêmes suspenses répétitifs et sans suspense: divertissement, série, téléfilm gris, et puis, au hasard d’un retour en arrière de la chaine 18 à la chaine 3, je tombe sur Thalassa, Georges Pernoud, en direct de Sainte Maxime, fait son tour de France et du monde, un ton inimitable, une fraicheur vivifiante. Voilà Saint Tropez en hiver. Des habitants, débarrassés de leurs obligations estivales, retrouvent le temps d’admirer leur village. D’en haut avec le conservateur du musée, on contemple les paysages de Signac, de Matisse ( Luxe, Calme et Volupté) déjà.

D’en bas, avec le pêcheur du « village » on retrouve le port presque abordable: les monstrueux yachts sont partis avec leurs propriétaires. La nostalgie folle des collectionneurs s’entasse dans un hangar ou une centaine de « canots » nous rappellent ce qu’est la beauté des Riva, bois vernis, chromes parfaits, lignes pour l’oeil. Dans le reportage suivant, encore la beauté avec le duel de deux coursiers des mers, magnifiques voiliers du début du siècle ou l’équipage d’une quinzaine d’hommes est nécessaire à la manoeuvre. Rien d’électrique ici, sur le pont concentration et position s’allient à la force humaine. L’élégance est totale jusqu’à la victoire. L’équipage du vainqueur salue le second, qui s’est si bien battu. Si la victoire est belle, l’essentiel est de participer, de se battre, de se retrouver. A la prochaine fois, semblent-ils se dire.

Les reportages s’enchainent, imaginatifs, parfois graves comme celui consacré à la traque de la pêche illégale. En Méditérannée, avec Paul Watson, le militant écologiste, et les membres de son association Sea Sheperd, on suit leurs tentatives stupéfiantes d’audace  pour « couper » les filets d’immenses nasses qui enferment des centaines de thons promis à l’abattage. Je reconnais la voix du journaliste, Daniel Granclément, célèbre pour ces reportages casse-cou, notamment celui sur les « migrants » entre la Somalie et Aden, Les Martyrs d’Aden.

Voilà donc ce qui m’a semblé ce soir-là du « vrai », du » vif » , de « l’humain ». Une « jeune » émission de près de quarante ans, (40°  anniversaire en 2015), avec son « jeune » capitaine qui en tient la barre fermement depuis qu’il l’a imaginée. Thalassa, Thalassa, chantaient les marins grecs, la mer, la mer….  un bel exemple de qualité. Bravo Georges.

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