De La mort est dans le pré à La Clef des terroirs, deux mondes parallèles

Je sortais d’un visionnage du film d’Eric Guéret, La mort est dans le pré, déprimé, en colère aussi. Je venais de voir et d’entendre des agriculteurs atteints de cancer à force d’avoir manipulé, répandu, arrosé de pesticides, de produits chimiques de toutes sortes, les vignes, les prés, les champs de leurs exploitations agricoles. La veuve de l’un d’eux continuait l’élevage, nous montrait une vache à moitié morte, empoisonnée. Un autre, appuyé sur deux béquilles, nous clamait sa souffrance et son désarroi. Il n’arrivait pas à faire reconnaitre sa maladie comme professionnelle. Tous dénonçaient les Monsanto et autres grandes firmes agro-alimentaires qui leurs avaient vendus ces produits hautement toxiques.

J’étais furieux avec eux, je soutenais les actions en justice qu’ils menaient. Je restais surpris aussi que ces agriculteurs continuent pour la plupart à déverser sur leurs cultures les mêmes produits qui les avaient empoisonnés. Dans mon esprit se faisait jour encore l’idée que si la mort était dans le pré, la mort aussi était dans nos assiettes. Ces produits chimiques qui les tuaient à petit feu n’arrivaient-ils pas sur nos tables, dans ce pain, ces fruits, ce vin. N’empoisonnaient-ils pas aussi nos corps. Je gardais dans la mémoire cet agriculteur diminué, incapable de travailler, qui dans la cour de son exploitation contemplait le salarié en train de mélanger dans la citerne des produits verdâtres, une horrible mixture, dont je sentais presque les effluves nauséabonds, et qu’il s’apprêtait à aller répandre sur ses cultures. Je ne comprenais plus. Pourquoi ces agriculteurs n’arrêtaient-ils pas ce type de fonctionnement? Ne se rendaient-ils pas compte encore qu’eux aussi, par leurs pratiques, relevaient du même registre que les industries qu’ils dénonçaient.

Etaient-ils obligés de continuer à utiliser ces produits chimiques? N’y avait-il pas une autre manière de produire?

Retenez ces noms : les frères Bret, Olivier Jullien, Aubert de Villaine, Thierry Germain, Pierre Masson. Découvrez leur intelligence, leur nature, leur force. Contemplez-les dans leurs vignes, dans le Maconnais, le Languedoc, les vallons du Saumurois,  en Bourgogne, là au milieu des raisins du plus célèbre cru du monde, la Romanée -Conti, passé en biodynamie il y a 25 ans  par son visionnaire propriétaire.. C’est dans un autre film, joyeux, beau, redonnant vie à la terre, à ses hommes, La Clef des Terroirs, que j’ai trouvé la réponse à ma question précédente: Tout est dans le niveau de conscience, affirmait le génial inventeur de la biodynamie, Rudolf Steiner.

Je n’en crois pas mes yeux : 300 grammes de bouse de vache, murie pendant l’hiver dans une corne de vache, mélangée à 110 litres d’eau sont pulvérisés sur 3 hectares de vignes, fertilisant le terre naturellement et efficacement, plus loin une poudre de silice mesurée dans le fond de 3 petits verres mélangée dans une grande cuve d’eau sera pulvérisée sur 9 hectares de vignes apportant de quoi fortifier le bois des ceps…

Des jeunes vignerons, surdoués, utilisant des remèdes de « grands mères », parlent de la terre avec respect, remontent aux pratiques ancestrales, celles des grecs et des romains, utilisant les cycles de la lune, comprenant le lien entre le ciel et la terre. Le film de Guillaume Bodin est un régal. Il nous réconcilie avec nous-mêmes.

Je repensais aux films de Jean-Claude Bringuier, tournés en 1978, Des Paysans, dans lesquels il racontait le fin du monde paysan Il nous montrait ce qu’ils avaient été, ces paysans, durs, travailleurs, attachés à la terre, la connaissant, la servant. Quelques portraits magnifiques d’une espèce qu’il annonçait disparue, emportée par le progrès, le productivisme, la nécessité du monde moderne, des grandes exploitations, peu de bras, des tracteurs, beaucoup de chimie, la quantité, la rentabilité.

Je me disais que Bringuier, grand documentariste, disparu en 2010, verrait les paysans de La Clef des Terroirs, comme leurs fils énergiques et visionnaires. Et ceux de La mort est dans le pré, cette génération, celle ou les paysans étaient devenus les exploitants agricoles, finalement être celle de l’ignorance et de la stupidité.

 

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Vivez ! Les petits cailloux blancs semés par Stéphane Hessel

Après Indignez-vous (Indigènes éditions), Engagez-vous (éditions de l’Aube),  Vivez ! chez Editions Montparnasse/Carnets Nord. Dans Vivez ! Stéphane Hessel répond aux questions d’Edouard de Hennezel et Patrice van Ersel. Il se révèle ici une fois de plus humaniste et philosophe. Avec la simplicité de ton qui le caractérise, il nous livre quelques formules de vie : spiritualité et transcendance nous libèrent au contraire de ce qui est pour lui l’aveuglement des religions : devons-nous dire que le divin, le transcendant, le spirituel, est une dimension de l’être qui ne peut pas se réduire à une figure qui serait un Dieu? Sans rejeter la demande de transcendance de l’homme, il met les confrontations humaines au débit des religions et se rattache à Spinoza, le philosophe de la responsabilité individuelle. Il plaide pour un apprentissage des vérités des sciences, de compréhension de l’histoire, des sociétés dans lesquelles nous vivons. Ce qui permet de mettre en oeuvre ce que nous avons en nous de réflexion, mais aussi de volonté et donc d’action.

Il faut agir pour une éthique universelle et sociale, nous dit-il. La Déclaration universelle des droits de l’homme, à la rédaction de laquelle il a participé, n’est pas rattachée à la « culture occidentale » comme certains voudraient la cantonner. Les droits et les libertés qu’elle défend sont valables pour tous. Il nous rappelle que l’engagement écologique est aussi important aujourd’hui que celui qui a motivé la Résistance: je considère que nous avons atteint un moment dans le développement de nos civilisations ou elles ne peuvent rester des civilisations qu’en prenant en compte l’environnement et l’effort écologique. Un cri d’alerte devant le boom démographique et la consommation croissante.

Méditer sa mort, des lignes fortes nous arrivent de cet homme qui parle de son propre cheminement, de ce qui l’a guidé, et de ce qu’il espère encore. Et puis encore sur l’amour: l’amour est quelque chose qui vous anime, qu’on le veuille ou non, et que l’on découvre en soi. On peut faire grandir en soi la réflexion ou la formation intellectuelle, mais on ne peut qu’observer en soi l’éclosion de l’amour (…) Si l’on pense qu’il ne mérite qu’une place restreinte, parce que le plus important serait la guerre, la conquête ou je ne sais quoi, alors il peut se réduire à une toute petite chose. Si on pense, au contraire, que le don de soi à un autre, la générosité à l’égard d’êtres que l’on aime, est ce que l’on peut faire de plus important dans la vie, alors cet amour que l’on découvre, et que l’on cultive, peut effectivement devenir la composante la plus forte de la vie humaineVivez ! un petit livre d’une centaine de pages qui est aussi un beau livre de vie.

Des grincheux, des professionnels de la critique aigre-douce, viennent de « s’indigner » d’une déferlante de publications signées Stéphane Hessel. Publications souvent co-signées avec quelques personnalités, le dalaï-lama, Edgard Morin etc…Ces grincheux parlent d‘opportunistes pour qualifier les éditeurs de ces publications, souvent des petits livres à quelques euros ( Vivez ! : 6 euros).  Je ne le vois pas comme cela. Je vois dans les thèmes abordés, les paroles de Stéphane Hessel, un message au long cours, une bouteille à la mer, des petits cailloux blancs semés au fil des jours pour nous amener à réflechir.On peut encore y voir la construction d’un édifice personnel, chaque livre étant une pierre spécifique de cette construction.

Personne ne peut entamer la légitimité du vieil homme si jeune, tellement plus jeune que bien d’entre nous. Lui seul détient le droit de dire assez. Avec le public.

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Un blog subjectif et informatif: de Davos à Künzelsau

ce blog est évidement personnel, il est plein de subjectivité, la mienne, nourrie d’informations que je rencontre, celles qui viennent des éditions de cette maison Montparnasse, Carnets Nord, mais aussi celles qui aiguisent ma curiosité, mon envie, dont je me dis que cela peut vous intéresser. Ni plus, ni moins. Editeur, nous rencontrons des auteurs, des producteurs, des « sujets » de films et de reportages. Il y a ici naturellement le besoin de connaître et de comprendre les ressorts de la création, de la réflexion, de la pensée.

Personnellement, j’aimerai ne pas me laisser embarquer trop par l’actualité, non, je souhaite aller plus vers la réflexion créée par la distance. Lorsque je « tombe » sur un film  qui a échappé au public – voir La Brindille dans un précédent blog- dans quoi suis-je? l’information, le rappel ou encore la réflexion sur la réalité de notre société à la  fois hyperproductive et consommatrice, ou le meilleur existe et n’est pas forcément vu. Cette réflexion nourrit aussi mon travail d’éditeur: comment faire connaître un film, un document, un livre dans un univers de surproduction quantitative?

Subjectif et informatif donc, mais surtout un blog reflétant le métier de Montparnasse, un métier de goûts, de passions, d’envies. Un métier d’éditeur.

Le Facteur 12 prône-t-il la « haine » des riches comme le titre en forme d’affirmation un hebdomadaire national qui entend là dire qu’un mouvement politique joue sur cette « haine », l’entretient, l’encourage. Une nouvelle lutte des classes qui devrait aboutir à couper un jour quelques têtes. Je ne vais pas me substituer à Cécile Renouard et Gaël Giraud, les auteurs de cet essai, mais pour ma part, il ne s’agit ni de désigner une « cible », les « riches », ni d’affirmer une seule hypothèse, ils seraient seuls responsables de ce monde dans lequel nous vivons. En revanche cet essai permet de mener une réflexion sur celui-ci et son rapport à l’argent. Qui décide? que sous entend l’argent dans la crise actuelle.

On pourrait aller à Davos pour avoir un début de réponse. Enfin à condition d’être un des « acteurs » de ce monde et de payer l’inscription: 75 000 dollars. Ou alors de lire dans la revue XXI le passionnant reportage d’Emmanuel Carrère. Fait de rencontres au fil de l’eau, celui-ci nous fait surgir vraiment ce qu’est le pouvoir, l’influence et l’idéologie. On surfe entre l’amusement et l’indignation. On y trouve aussi les ressorts multiples de l’âme humaine, ses paradoxes- étonnante description d’un de ces rois du monde, Christophe de Margerie,le patron de Total, marchant dans la neige en mocassins à ponpon et sans manteau, en veston-cravate, un vieux Nokia dans la poche, discutant une nuit entière avec un marginal comme cela, pour rien! Rien peut être que la récréation d’un homme sous pression, et aussi humain-paradoxes oui, jusqu’au bout. Tocqueville nous mettait en garde. La démocratie achevée pouvait s’autodétruire sans le savoir. Fin d’un Empire qui ne le sait pas, qui croit encore dominer. Apparition d’un cynisme totalitaire. Les riches ici, forts de leurs pouvoirs, n’ont peur de rien.

Mais c’est dans l’article suivant que la paradoxe s’affirme: la puissance germanique est régionale et humaine. Elle règne dans des petits villages charmants, ou sont nés à la force du poignet d’entrepreneurs travailleurs et inventifs, les numéros 1 mondiaux de spécialités inconnues pour nous, fabricants de matériels de salles de bains, d’outils de précisions, de logistiques etc…qui exportent dans le monde entier, tiennent tête- parce qu’ils sont les meilleurs- à la délocalisation et aux produits importés. Ces entrepreneurs, ils ne me semblent pas les avoir rencontrés à Davos. Peut-être simplement parce qu’ils aiment d’abord le travail bien fait.

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le facteur 12

Deux économistes catholiques, Gaël Giraud et Cécile Renouard, respectivement jésuite et assomptioniste, publient ces jours-ci chez Carnets Nord/Montparnasse, un ouvrage polémique, le Facteur 12.

 12, c’est à dire l’écart qu’il faudrait avoir entre le plus bas et le plus haut revenu. Nous en sommes loin. Nos économistes n’y vont pas de main morte. Ils défendent une thèse originale. Contrôler les écarts de revenu ne seraient pas simplement une question d’éthique mais de raison. C’est bien l’excès d’argent qui entrainerait l’appauvrissement généralisé et à terme la faillite du système capitaliste. Les riches sont, d’après eux, particulièrement peu intéressants pour la croissance.

Ils épargnent, spéculent, consomment bien moins qu’un revenu « modeste ». De plus , spéculateurs, ils entrainent le système à aller de plus en plus loin, pour le malheur du plus grand nombre.   

Et puisque nous approchons du terme d’une campagne électorale, riche elle de promesses en tout genre, notons que tous les candidats sans exception se rapprochent du Facteur 12, même s’ils n’y parviennent quand même pas!

 

 

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le droit de « repentir », De Montauban à La Brindille

ou encore celui de revenir sur un sujet mal traité. Allons j’avais volontairement été bref dans mon blog précédent. Mettre la distance qui convient sur un sujet douloureux, violent, actuel. La tuerie de Montauban et Toulouse demandait que nous ne commentions pas. Du moins pas dans ce blog. Pourtant cela nous touchait tous. Au point de nous arrêter dans nos activités, de ménager nos paroles, nos commentaires.  Dans La Croix du 6 avril, Bruno Frappat revenait, éditorialiste oblige, sur l’évenement. En soulignait l’horreur certes mais aussi la dignité contenue ici et là, notamment les paroles du Président de la république lors de l’hommage rendu aux parachutistes assassinés à Montauban.  » Il parlait juste et il fallait un coeur très sec pour ne pas sentir monter en soi des larmes pauvrement huamines. » Bruno Frappat ajoutait: « Il y eut bien quelques gricheux pour oser dire qu’il faisait mine d’être ému. Absurde! Il l’était à l’évidence.  » Nous étions nous aussi émus, profondément. La politique dans le sens noble surgissait devant nous.   

 Dans Le Monde, c’est l’écrivain Olivier Rollin qui s’insurgeait contre la dérive des mots  dans les médias. « Certains parlent d’un gamin lorsqu’ils évoquent Mohamed Merah, un gamin! traite-t-on de gamins les SS de 20 ans qui assassinèrent les juifs en Ukraine ?  » ajoutait-il.

Finalement les trois lignes de mon blog sur le film de Youssef Chahine me suffisent. Youssef Chahine livre le récit immuable du risque fondamentaliste. Ceux-ci obtiendront la tête du philosophe Averroès, ses livres seront brûlés, la tolérance aura vécu! Les « révolutions » en cours dans les pays arabes voient surgir le même risque: condamnation des télévisions « impies », mise au pilori des « infidèles ». Il faudra beaucoup de courage et de clairvoyance aux peuples arabes pour éviter l’autodafé renouvelée d’Avérroès. Sinon les femmes devraient à nouveau courber la tête, subir la domination machiste…

Droit de repentir, disais-je. En voilà un, celui surgit d’un DVD du coffret des Césars, celui d’un film vu ni à sa sortie, ni dans le visionnage de ce coffret en janvier dernier. Celui échappé pour cause de non-visibilité. Et pourtant, il faut voir La Brindille d’Emmanuelle Millet. Je n’aime pas les critiques ou les résumés qui me racontent le film à voir! Censée donner envie, me guider, en fait souvent trop précise la critique peut retirer l’effet de surprise. Une jeune comédienne, Christa Théret, formidable dans un rôle difficile. Rigoureux, juste, tendu à l’extrême, le film nous entraîne dans une réalité propre à la femme et à la jeunesse. Je ne veux pas vous en dire plus. Mais l’émotion est là, sensible et forte. Une belle découverte. Qui réconciliait avec un vrai regard, celui sur la tendresse et l’humanité de la vie, loin de l’absurdité de la tuerie de Montauban.

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Le Destin, un film de Youssef Chahine

à voir absolument, Le Destin, de Youssef Chahine nous explique l’intolérance religieuse au XII° siècle en Andalousie. Toujours d’une actualité effrayante.

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19 mars 1962

Il y a 50 ans fin d’une guerre qui n’a pas encore de nom. 400 000 soldats français étaient en Algérie, mais la France n’était pas en guerre, puisque l’Algérie n’était pas un pays ennemi. Des dizaines de milliers de morts et de blessés, soldats de métropole et civils européens, ceux-ci victimes d’un terrorisme impitoyable. Du coté de la « rébellion » et des populations musulmanes, arabes et kabyles, plusieurs centaines de milliers de morts.  Le 19 mars « commémore » le cessez-le feu de cette guerre. Il y aura encore au delà de cette date le massacre des harkis, plus de 100 000 dans des conditions atroces, plus de 10 000 européens disparus, plus d’un million de français d’Algérie, les pieds-noirs, fuyants « leur » pays en quelques semaines, une valise contenant quelques souvenirs pour tout viatique.

Triste commémoration.

Deux grands récits me semblent bien décrire ces années terribles: Guerre d’Algérie, la déchirure, de Gabriel Le Bommin et Benjamin Stora, diffusé il y a quelques jours sur France 2. Remarquable tant par les images inédites que par le ton du commentaire. Et puis   » La Guerre d’Algérie «  , le documentaire de 3 heures d’Yves Courrière et Philippe Monnier, réalisé il y a trente ans à partir du formidable témoignage d’Yves Courrière, livre référence sur le conflit algérien. Des images en couleurs pour le premier- en fait colorisée pour beaucoup d’entre elles- images en noir et blanc saisissantes  pour le second, qu’importe! l’époque fût noire, violente. Sans pitié, ou si peu.

C’est le témoignage que rapporte Bruno Frappat dans La Croix de ce week end qui montre ce « monde sans pitié ». Celui de Danielle Michel-Chich. Elle avait 5 ans, le 5 septembre 1956. Elle était avec sa grand-mère au Milk Bar, à Alger, lorsqu’une bombe posée par  une des « poseuses de bombe » du FLN, explose au milieu des consommateurs. Sa grand mère est tuée. Elle perd une jambe définitivement. 50 ans après elle écrit un petit livre: « Lettre à Zorha D. »   (1) ou elle s’adresse à celle qui a posé la bombe, Zorah Drief, aujourd’hui sénatrice en Algérie, célébrée en Algérie comme une héroïne de la guerre.

 » Une juste lutte justifie-t-elle de tuer des innocents? » demande-t-elle dans sa lettre. Qui reste sans réponse. Danielle Michel-Chich est là sur le plateau de France dans le débat qui suit la diffusion de Guerre d’Algérie, la déchiture. Emouvante, calme, sans haine. Une jambe en moins. Zorha Drief est une des femmes interviewées à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Bruno Frappat nous dit que dans cette interview réalisée par TV5Monde, le journaliste ne lui pose pas la question. Qu’il se contente de la présenter comme une « figure historiqu du FLN » sans réference à des actes concrets.

Sur TV5Monde, Zorah Drief racontera son arrestation. Ne dira rien de ses actes. Ne répondra pas à Danièle Michel-Chich. Cette question me semble pourtant plus que jamais d’actualité. Pour ceux qui se battent, la lutte est toujours juste. Leur camp a raison. Toujours raison? En Algérie, au nom d’une cause que chacun pensait « juste », les deux camps ont pratiqué tortures, massacres, éxécutions…oui, décidément triste commémoration.

(1) Lettre à Zorah D. de Danielle Michel-Chich chez Flammarion

(2)voir aussi le blog:    « La Chine est encore loin »

et les dvd,  La Trahison de Philippe Faucon et  Paroles de Pieds-Noirs , l’histoire déchirée des français d’Algérie de Jean-Pierre Carlon

 

 

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Richesse éditoriale! Etes-vous heureux?

Celle des Editions Montparnasse, celle de Carnets Nord. Riche de beaux projets, de passionnantes découvertes. Regardez cette « perle » proposée par Vianney Delourme,  » Chronique d’un été« , ou Jean Rouch, l’ethnologue et Edgard Morin, le sociologue, décident de découvrir à travers des questions posées dans la rue si leurs contemporains sont heureux.  Et par glissements progressifs se posent les raisons ou non du bonheur.

Nous sommes en 1960, les images sont en noir et blanc. Nos deux enquêteurs déléguent à deux jeunes femmes le soin d’arrêter le passant, de tenter d’obtenir une réponse. Une des deux jeunes femmes est Marceline Loridans, rescapée d’Auschwitz, dont on découvrira tatoué sur le bras le sinistre numéro matricule. Et ce n’est pas la moindre surprise de ce film. Les jeunes qui l’entourent croient que c’est un numéro de téléphone, celui d’un amoureux. Ignorance bien plus forte à l’époque qu’aujourd’hui… mais je vous laisse le soin de voir ce stupéfiant document. Avec juste un commentaire: La question du bonheur, y compris souvent citée,  celle de la difficulté matérielle par exemple,  n’est pas d’aujourd’hui!

Chez Carnets Nord, et les sorties que nous propose Hélène de Virieu, il y a le récit bouleversant d’Haydée Sabéran, « Ceux qui passent« . Libération du lundi 12 mars lui consacre deux pages. De nombreux extraits du livre nous emmènent dans l’enfer de la « jungle » , cette zone de transit clandestin autour de Calais, comme la surnomme eux-mêmes ceux qui y vivent ou plutôt y « passent ».

Depuis 12 ans Haydée Sabéran couvre pour Libération la vie de la « jungle », ses habitants, ces hommes et femmes, ces très jeunes qui s’agglutinent ici, venant d’Afghanistan, d’Iran, d’Erythrée, chassés par la faim, la menace de mort… et parfois après des années d’errance, arrivent là avec comme ultime objectif: traverser la Manche, atteindre de l’autre coté ce qu’ils croient un avenir, enfin.

Nous ne sortons pas intacts de ce livre. Quelque soit nos certitudes sur les problématiques rationnelles de l’immigration clandestine. Un clandestin est aussi -et d’abord- un malheureux en danger. Avec une question qui me taraude toujours face à un destin sans pitié. Pourquoi lui? pourquoi pas moi? Pourquoi suis-je là, et pas à sa place? (1) Etrange question, me direz-vous. Peut-être peut on lire « Chronique d’un été » à l’aune de « Ceux qui passent ».  Heureux, dites-vous? Une réponse avec « Vivez » ou Stéphane Hessel donne sa recette de vie dans un entretien accordé à Edouard de Hennezel et Patrice Van Hersel.

Amour, amitié, simplicité me semblent percer à travers chaque ligne de cet opuscule. J’ajouterai encore le goût de la vie, l’énergie, le beau regard que cet homme de 94 ans pose sur ses semblables. « Vivez » s’ajoute à l’édifice entrepris par Stéphane Hessel comme une pierre heureuse et sans prétention. On peut y puiser les idées, les recettes en sachant que chacun voit bien la vie à sa manière. Stéphane Hessel a de la chance! Nous aussi de le rencontrer dans ses pages.

(1) écoutez : http://www.youtube.com/watch?v=NWcCCPMUk_M

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Le cercle des paysans disparus

Je les aime ces paysans disparus qui réapparaissent dans ce reportage du magazine M le Monde du 25 février dernier. Jean-Luc Desplats, fils d’exploitants agricoles -retenez bien ce terme, il faut maintenant l’opposer à paysan, l’un exploite la terre, l’autre l’entretient- après les 30 ans d’agriculture intensive pratiquée par ses parents, sur les 50 hectares dont il a hérité, il replante, soigne, nourrit une terre: « la nature reprend ses droits, c’est magnifique » dit-il. Il fait pousser des variétés anciennes de froment – le bon pain, j’en salive rien qu’en l’écrivant- du trèfle, des tournesols sans aucun intrants- engrais chimiques- il explique :  » à l’époque de mes parents, les produits chimiques c’était magique; on n’avait aucune idée des contreparties néfastes« . Dans le reportage de Camille Labro, avec les photos superbes de Antoine Agoujian, d’autres paysans du renouveau de la terre: Xavier Mathias qui aujourd’hui, sur deux hectares d’une terre saccagée hier par les années chimiques, cultive en bio des centaines de variétés, légumes étranges qui proviennent de semences ne figurant pas au catalogue officiel, qu’il déniche chez Kokopelli- pour mieux comprendre revoyez Solutions locales pour un désordre global- : ail rocambole, hélianthes, pois de coeur, haricots ying yang, poires de terre, entre autres.

L’arche de Noë des produits de la terre!

« Je suis un paysan heureux même si c’est un énorme travail. Je peux répondre aux quatre questions: qui suis-je? Ou vais-je? Pourquoi et comment j’y vais? » Un autre paysan, puis un autre qui nous apprend que cette agriculture de maraîchage coûte beaucoup moins chère que l’agriculture conventionnelle, qu’elle nourrit mieux et plus que celle-ci. Sur deux hectares, deux paysans fournissent chaque semaine dans le réseau des AMAP ( association pour le maintien de l’agriculture paysanne) 90 paniers de légumes à des familles environnantes!  Nous sommes bien loin d’un système officiel qui crée des agriculteurs subventionnés, dépendants des produits chimiques, et des engrais.

Que d’idées reçues mises à bas dans ces portraits de paysans heureux. Fatigués- la terre est exigeante et toujours basse- mais heureux. « Une micro-agriculture manuelle intensive, de haute qualité environnementale, peut devenir une vraie solution alternative et générer un emploi par hectare, voire plus » . Contre 3 personnes pour 100 hectares dans l’agriculture conventionnelle.

Mais le même jour- Salon de l’agriculture oblige- l’éditorialiste des Echos, Nicolas Barré, nous alerte: la France joue sa place dans les grandes nations agricoles. La faute au coût du travail dans  l’industrie agroalimentaire française, 30% plus cher que le coût de la main-d’oeuvre en Allemagne. Modernisation, concentration, croissance, excédants des échanges, positions sur les marchés étrangers, écoulement dans la grande distribution. Je lis les mots de cet article en pensant aux paysans rencontrés dans l’article du Monde. Je me rappelle les justifications de l’agriculture intensive « on nourrira le monde en augmentant la production grâce aux engrais et aux pesticides« ,  je pense au coût gigantesque de la Politique Agricole Commune, la fameuse PAC,  aux dégâts environnementaux qu’il faudra payer un jour. Je pense à ces milliards de gens toujours affamés, et même de plus en plus affamés. En Inde, en Afrique, arrachés à leur terre, réfugiés dans les bidonvilles des mégapoles, incapables de payer ce qui les faisait vivre au fond avant qu’on ait décidé de ce qui les rendrait un jour heureux.

Une étrange place que défend cet éditorial qui ne se pose aucune question autre. L’article du M magazine le Monde, l’éditorial des Echos, deux mondes opposés qui se côtoient le même jour!

Je me suis dit que nous avions besoin là aussi de monter sur la table pour changer de position, pour avoir un nouveau regard sur le monde, pour voir autrement –We feed the World-. Que les paysans « disparus » pendant cinquante ans, et retrouvés aujourd’hui, nous donnent encore une formidable leçon d’optimisme!

 

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les roisdelasuède enflamment la toile.

Depuis quelques jours j’avais envie de vous parler du « piratage », de la guerre des mots utilisés à ce propos : mais oui, l’usage des mots fait le vainqueur, dans l’opinion. Par exemple celui qui emploie le mot de répression en parlant de son adversaire l’élimine d’entrée de jeu. Les défenseurs de la gratuité des oeuvres sur Internet utilisent  les mots de liberté pour caractériser leur action et donc de répression pour stigmatiser celle des défenseurs du droit d’auteur. Très fort! Bravo.

Que peut-on dire ensuite? Parler du respect des créateurs et des producteurs, du travail et du coût de ce travail, ré-essayer une définition de la culture- mais déjà le camp d’en face parle d’accès à la culture comme de celle de l’accès à l’eau et à l’air, un bien essentiel à chacun- L’immense flux indifférencié d’Internet est-il de la culture? rétorquons-nous? N’y a-t-il pas à comprendre d’abord ce qu’est une oeuvre, son rôle, sa définition même, ce qu’elle apporte…

Bref, le débat est sans fin, idéologique,politique, culturel. Surtout démagogique. Il serait ici bien faible si je ne vous proposais pas d’en sortir par l’audace et l’humour, ceux d’un groupe Les Rois de la Suède, groupe libertaire qui ose tout à coup prendre à rebrousse poil sa génération, ses habitudes, ses modes de pensées.

Avec la chanson , « Ta liberté de voler« , ils enflamment la toile. Leur clip vidéo visionné sur les sites de partages de vidéo ( mis gratuitement par eux sur ces sites) font un tabac déchainant les pour et les contre.

Ils s’adressent directement à la raison de chacun. Ils recherchent l’idée de responsabilité. Ils évacuent la démagogie. Incroyable, ils nous obligent à « monter sur la table » comme le bon Robin William, dans Le Cercle des poètes disparus » engageaient ses élèves à le faire. Voir différement. Casser les idées toutes faites, celles qui nous arrangent bien au fond.

Courrez-voir  http://lesroisdelasuede.com Cela vaut le coup.

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